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Les acquis scolaires au Maroc : un état des lieux

Aomar Ibourk | May 20, 2016

La vision stratégique 2015-2030 constitue une innovation dans le domaine éducatif marocain. Contrairement aux réformes précédentes, cette vision aborde à des problèmes qui ont été longtemps occultés. Parmi ces problèmes figure la qualité de l’enseignement. Si cette dernière meublait toujours les programmes des anciennes réformes, elle est considérée comme l’une des priorités de cette nouvelle vision. L’objectif du présent Policy Brief est de dresser un état des lieux des acquis scolaires, partie intégrante de la qualité de l’enseignement, des élèves inscrits en quatrième année du primaire. Nous nous appuyions sur les enquêtes « Trends in Mathematics and Science Study » (TIMSS) et « Progress In Reading and Literacy Study » (PIRLS) auxquelles le Maroc a participé. La finalité consiste à mettre en lumière les déficits accumulés tout au long de ces dernières années.

Les acquis scolaires comme mesure de la qualité de l’enseignement

L'éducation constitue l’une des dépenses majeures des Etats, même pour les plus libéraux. Parmi les arguments qui plaident en faveur de cet investissement figure la notion de capital humain. Ce dernier peut être perçu comme une sorte d’investissement que chaque individu réalise en vue de se doter des compétences nécessaires lui permettant de prétendre à des revenus élevés. L’accumulation de ces compétences passe nécessairement par l’éducation et la formation. C’est là donc la première raison qui justifie l’investissement dans l’éducation. Un système éducatif accessible et offrant les mêmes opportunités à tous permet à tout un chacun de se doter des compétences qui lui permettront par la suite d’obtenir des revenus élevés. Il apparaît, de prime abord, que la notion de capital humain revête un caractère purement individuel. Cela dit, d’autres effets indirects, appelés externalités, sont observés à l’échelle de la société.

D’un côté, le fait que l’éducation soit accessible pour une grande partie de la population signifie que la distribution des revenus sera moins disparate, réduisant ainsi les inégalités sociales. De l’autre côté, le stock de capital humain ne bénéficie pas uniquement à la personne qui le détient mais aussi à l’entreprise qui l’embauche. Cette dernière disposera d’un personnel qualifié qui aura pour effet de renforcer sa productivité. Dans une perspective macroéconomique, l’augmentation de la productivité des entreprises sera accompagnée d’un accroissement du produit intérieur brut. Ainsi, les avantages économiques d’un capital humain, qui s’assoit sur un système éducatif performant, concerne une distribution des revenus plus égalitaire d’un côté, et un taux de croissance soutenu de l’autre. De surcroît, les externalités du capital humain pourvoient également d’autres avantages. Au niveau politique, une population éduquée est plus avisée. Cela se traduit par une augmentation de la qualité de vote, fournissant ainsi un appoint solide à la démocratie d’un pays.

Pour vérifier la portée de ces postulats, les économistes ont longtemps utilisé des variables témoignant du niveau d’éducation telles que le taux de scolarisation ou le nombre d’années de scolarisation. Ces variables, d’ordre quantitatif, ont apporté des résultats pour le moins mitigés. Cela est dû principalement au fait que le caractère quantitatif des variables susmentionnées ne tient pas en ligne de compte les différences individuelles. A un même niveau d’éducation, deux individus peuvent accumuler un stock de capital humain totalement différent. En cela, ce qui compte le plus ne concerne pas le nombre d’années d’études, mais plutôt ce que l’individu a accumulé en termes de connaissances durant ces années. Autrement dit, le capital humain est intimement lié aux compétences cognitives acquises en cours de la scolarité. C’est ainsi que certains économistes se sont orientés vers la dimension qualitative de l’éducation. Dès lors, la nécessité de trouver une mesure de la qualité s’imposait avec acuité. Le choix le plus utilisé consiste à prendre les acquis scolaires, obtenus par des tests standardisés, comme une variable dévoilant la qualité de l’enseignement reçu. La disponibilité récente de ces données a permis de dévoiler que les revenus, la productivité ainsi que la croissance économique sont directement liés aux acquis scolaires. Ces avancées théoriques ont amené un certain nombre de pays à placer la qualité de l’enseignement au centre de leurs politiques éducatives. Parmi ces pays, le Maroc fait partie des nouveaux arrivants. 

La vision strategique 2015-2030 : le qualitatif au premier ordre

De l’indépendance à la fin du siècle dernier, le système éducatif marocain a connu un long cortège de réformes qui se sont succédées sans pour autant réaliser les objectifs escomptés. D’ailleurs, l’UNESCO a placé le Maroc comme faisant partie des pays qui sont les plus éloignés des objectifs de l’Education Pour Tous au courant de l’année 1999. Cette tendance peu rassurante a pris fin avec l’avènement de la Charte Nationale de l’Education et de la Formation ; laquelle peut être considérée comme un point tournant de l’évolution de l’école marocaine. Cette charte a pu mettre en place des mesures concrètes en vue de redresser le sort de l’enseignement au Maroc. Ces efforts ont pu porter leurs fruits. Preuve en est l’évolution remarquable qu’a connu le Maroc, en passant des pays les plus éloignés des objectifs de l’Education pour Tous en 1999 à ceux qui ont pu réaliser une partie de ces objectifs en 2015. Toutefois, même si ces avancées sont indéniables, il n’en demeure pas moins que la question de la qualité de l’enseignement, bien que mentionnée par la Charte, a été reléguée au second plan. Cela a eu pour effet que les avancées quantitatives n’ont pas été concomitantes d’une amélioration de la qualité de l’enseignement.

A l’issue d’un bilan réalisé par l’Instance Nationale d’Evaluation, faisant part des principaux dysfonctionnements qui sévissent au sein de l’école marocaine, la réorientation des stratégies mises en place s’imposait avec acuité. Parmi les problèmes majeurs cités, figure la faible performance des élèves.

Figure 1 : Les quatre volets de la vision stratégique 2015 - 2030

 

A ce titre, une nouvelle stratégie a été proposée, à savoir la vision stratégique 2015-2030. La particularité de cette dernière est double. D’un côté, elle s’inscrit dans le long terme, de l’autre elle n’aborde pas uniquement la partie émergée de l’iceberg mais s’intéresse plutôt aux problèmes profonds de l’enseignement. Comme le montre la figure 1, la vision stratégique s’articule autour de quatre axes parmi lesquels la qualité de l’enseignement est prioritaire. Pas moins de sept leviers ont été consacrés à ce volet.

Il s’agit en fait de restructurer les métiers de l’éducation en accordant plus d’importance à la formation continue, à la motivation morale et financière ainsi qu’à la gestion de carrières. Au niveau du contenu enseigné, une importance particulière est accordée aux langues en vue de renforcer les compétences en matière d’expression et de communication. Il est aussi question d’alléger le volume horaire en vue d’allouer plus de temps aux activités parascolaires et celles de soutien. En outre, le côté théorique de l’enseignement doit être conjugué à la pratique, et ce à tous les niveaux d’enseignement. S’agissant des curricula, une révision régulière sera apportée en laissant aux acteurs éducatifs une marge de manœuvre pour innover et proposer de nouvelles pistes. Les méthodes d’enseignement, quant à elles, devront s’éloigner de la transmission unilatérale et s’orienter vers l’auto-construction des savoirs. Enfin, les écoles seront dotées d’outils pédagogiques tels que les bibliothèques scolaires et les ressources numériques. Cette présentation non exhaustive met en lumière tout l’intérêt de cette nouvelle vision qui privilégie des actions structurelles visant à remédier aux problèmes qui ont été longtemps mis en suspens. Cependant, il est important de mentionner que des efforts restent à faire pour redorer le blason de l’école marocaine. La négligence de la qualité de l’enseignement s’est répercutée sur le niveau d’éducation des élèves marocains.

Les acquis scolaires des élèves marocains sous la loupe de l’évaluation

En vue de dresser un état des lieux des acquis scolaires, nous présenterons les résultats des enquêtes auxquelles le Maroc a participé que sont : « Trends in Mathematics and Science Study » (TIMSS) et « Progress In Reading and Literacy Study » (PIRLS) ; toutes les deux organisées par l’Association Internationale pour l’Evaluation des Rendements Scolaires. La première, organisée tous les 4 ans, teste les élèves au niveau des matières scientifiques tandis que la seconde, organisée tous les 5 ans, s’intéresse à la lecture. Avant de présenter les résultats, il convient tout d’abord de décrire la méthode de notation. Pour les deux enquêtes, les notes sont standardisées à une moyenne de 500 assortie d’un écart-type de 100. Analysée dans l’absolu, la note s’avère ambigüe. C’est pour cette raison, que nous allons interpréter les résultats en termes de catégories, appelées benchmarks, présentées dans la figure 2.

Figure 2 : Benchmarks internationaux de TIMSS et de PIRLS

 

Les tests de PIRLS et de TIMSS classifient le niveau des élèves en quatre catégories. Le benchmark faible fait référence à un niveau reflétant des connaissances minimes en lecture et en mathématiques. Plus le benchmark est élevé et plus le niveau de l’élève l’est aussi. Le niveau supérieur étant relatif au benchmark avancé. N’étant pas mentionné par les deux enquêtes, les chercheurs s’accordent à avancer que les élèves ayant une note inférieure à 400 sont dépourvues des connaissances minimes dans les deux matières. Autrement dit, cette catégorie d’élèves est au bord de l’analphabétisme. Malheureusement, le Maroc en compte beaucoup.

En 2011, le classement du Maroc aux deux enquêtes met en exergue la faible performance de ses élèves. Avant dernier en mathématiques et dernier en lecture avec des notes moyennes respectives de 335 et 310 points, la position du Maroc est très inquiétante. Les deux moyennes sont bien en-deçà du benchmark faible, témoignant ainsi de la faible instruction reçue par les élèves. Avant d’aller plus loin, il convient de souligner que la situation que connaît le Maroc est partagée par les autres pays arabes. Au regard de la figure 3, représentant les performances des cinq premiers et derniers pays relatives aux deux enquêtes, il s’avère que les dernières places sont toutes occupées par des pays arabes. Bien qu’il soit vrai que le Maroc fait moins bien que les autres pays, il est important de noter, cependant, que la qualité de l’enseignement dans les pays arabes nécessite des améliorations. Tel n’est pas le cas de la région de l’Asie de l’Est qui monopolise la tête du classement. Preuve en sont les performances de Hong Kong (1er en lecture et 3ème en mathématiques) et de Singapour (1er en mathématiques et 4ème en lecture).

Ces deux cas sont assez éloquents. Sur les 36 pays participants à l’enquête PIRLS en 2001, Hong Kong était classé quatorzième. Ce résultat a provoqué un tollé dans l’opinion publique hongkongaise pointant du doigt le gouvernement. S’en suit alors une série de réformes. De 2002 à 2005, des séminaires ont été organisés au profit des parents en vue de les aider à renforcer les compétences en lecture de leurs enfants. Toutes les écoles ont été dotées de bibliothèques en bonne et due forme. La pédagogie et les curricula ont été métamorphosés en passant d’une transmission classique, fondée sur la dictée, à une méthode d’enseignement visant à motiver les élèves à aimer la lecture en leur apprenant les différentes méthodologies de lecture. Ajoutons à cela, qu’une durée minimale de 30 minutes par jour a été allouée à la lecture de journaux et de livres hors-programme. Tous ces efforts ont été couronnés de succès. Dans la version suivante de PIRLS organisée en 2006, Hong Kong est passé de la quatorzième à la deuxième place, à un point seulement de la première place occupée par la Russie. Cinq ans plus tard, cette région administrative spéciale de Chine s’est octroyé la première place loin devant des pays comme les Etats-Unis ou l’Angleterre. Plus surprenant encore, 1 élève sur 4 a pu atteindre le benchmark avancé. Aucun pays n’a pu réaliser cet exploit jusque-là.

S’agissant de Singapour, l’OCDE a classé son système éducatif comme étant le meilleur au monde. Et pourtant, la situation initiale ne présageait guère un tel avenir. Avec l’avènement de son indépendance, cette ancienne colonie britannique enregistrait un taux d’analphabétisme important. Ne comptant aucune ressource naturelle, tous les efforts ont été déployés pour développer son système éducatif. Dans un premier temps, une campagne d’alphabétisation a été lancée pour réduire le taux d’analphabétisme. Ce choix était nécessaire pour attirer les investissements étrangers à la recherche d’une main d’œuvre low-cost. Ensuite, l’objectif était d’attirer les investisseurs cherchant une main d’œuvre qualifiée. Pour ce faire, la qualité de l’enseignement et la rétention des étudiants étaient placées au cœur des politiques éducatives. Vers les années 1990, un nouveau programme a été lancé en vue de doter ses citoyens des connaissances et compétences requises pour répondre à la demande des secteurs se situant à la pointe de la technologie. Dès lors, les curricula ont été orientés vers la créativité et l’innovation. Une approche qui a perduré depuis. De nos jours, Singapour enregistre un PIB par tête évalué à 62400 de dollars.

Figure 3 : Classement du Maroc en lecture et en mathématiques

 

Malheureusement, l’évolution de ces deux exemples contraste avec celle du Maroc. La note moyenne de ce dernier ne s’est pas améliorée ni en lecture ni en mathématiques. La performance des élèves marocains en mathématiques a baissé de 12 points passant de 347 points en 2003 à 335 points en mathématiques. Concernant la lecture, la baisse est beaucoup plus préoccupante totalisant une perte de 40 points passant de 350 points en 2001 à 310 points en 2011. Là encore, il s’agit de la baisse la plus prononcée parmi tous les pays participants. Pour donner un ordre de grandeur, la deuxième baisse la plus importante atteint seulement 19 points, soit moins de la moitié de la chute observée au Maroc. Ce que l’on doit retenir de cette évolution est que notre pays peine à se rapprocher de la barre des 400 points relative au benchmark faible. Ce dernier est qualifié comme le seuil en dessous duquel l’élève peut être considéré comme pratiquement analphabète. Il apparait que les réformes entreprises n’ont pas eu pour effet d’augmenter la qualité de l’enseignement.

En analysant la distribution des notes, le constat s’alourdit davantage. PIRLS révèle en 2011 que le niveau de 79% des élèves marocains est inférieur au benchmark faible. Cela signifie que 4 élèves sur cinq sont proches de l’analphabétisme. Ce taux atteint en 76% mathématiques, signifiant qu’un peu plus que 3 élèves sur 4 n’ont aucune notion en la matière. Ces chiffres cachent des disparités spatiales encore plus inquiétantes. Dans les écoles rurales publiques, les élèves, dont le niveau est inférieur au benchmark faible, représentent 86% en lecture et 82% en mathématiques. Dans les écoles publiques urbaines, ces taux avoisinent les 82% pour les deux matières. Au vu de ces chiffres, le secteur public est très loin de remplir son rôle. La majeure partie de ses élèves n’apprend rien ou très peu de choses. En comparant ces taux avec ceux du secteur privé, le clivage est important. Les élèves inscrits dans les écoles privées, dont la note est inférieure à 400, représentent 30% et 39% respectivement en mathématiques et en lecture. Même si ces pourcentages demeurent élevés, force est de constater que l’analyse du niveau des élèves par secteur dévoile un écart béant au profit des écoles privées. Le sort des élèves des écoles publiques est en mauvaise posture. Les retombées d’un tel clivage au niveau social sont très lourdes vu que le déficit enregistré en école primaire poursuivra les élèves tout au long de leur cursus, et se poursuivra par la suite sur le marché de travail. 

D’un autre côté, les élèves brillants se font rares dans les écoles marocaines. Au niveau national, 1 élève sur 100 a pu atteindre le benchmark élevé en mathématiques et 6 élèves sur 1000 en lecture. Dans les écoles urbaines publiques, ces ratios sont de l’ordre de 3 élèves sur 1000 et de 2 élèves sur 1000. En revanche, le secteur privé compte 4 élèves sur 100 qui ont un niveau élevé en mathématiques et en lecture. Par ailleurs, l’analyse des élèves des écoles publiques rurales est assez intéressante. En effet, les élèves ayant un niveau élevé en mathématiques se trouvent majoritairement en zone rurale. Sur les 6943 élèves ayant pris part au test de TIMSS, 93 ont atteint le benchmark élevé et 8 seulement ont atteint le benchmark avancé. Pour la première catégorie, près de la moitié est située en zone rurale, tandis que pour la seconde 7 élèves appartiennent à ladite zone. En revanche, sur les 7805 élèves participant à l’enquête PIRLS, 51 ont atteint le benchmark élevé dont les deux tiers suivent leur scolarité dans des écoles privées. De plus, le seul élève, dont le niveau correspond au benchmark élevé, est également inscrit dans le secteur public. La comparaison entre les deux enquêtes abonde dans le sens de certaines études. Lesquelles suggèrent que l’apprentissage des langues est conditionné par l’environnement de l’élève. Plus la famille de l’élève est instruite et plus son niveau linguistique sera élevé. Inversement, les élèves, dont la famille est peu instruite, accuseront un retard en termes d’apprentissage de langues. En revanche, l’apprentissage des matières scientifiques est peu influencé par les conditions familiales de l’élève. Les résultats du Maroc en sont le parfait exemple.

Figure 4 : Distribution des notes

 

Passons à présent au rôle du préscolaire. Là encore, l’effet de ce cycle est bien différent sur la performance des élèves eu égard au type d’école fréquentée. Concernant les élèves des écoles publiques en zone urbaine, accéder au primaire en passant outre l’étape du préscolaire s’avère pénalisant. En moyenne, un élève sans éducation préscolaire accuse un retard s’élevant à 28,4 points en mathématiques et 21,34 points en lecture. Pour ceux qui sont inscrits en milieu rural, la différence se fait sentir en lecture avec un retard de 14.28 points. Semblant à priori faible, cet écart ne doit pas cacher la faible qualité du préscolaire en zone rurale qui est prédominée par l’enseignement traditionnel. D’ailleurs, être inscrit en préscolaire dans cette zone semble être pénalisant en mathématiques. En effet, l’écart est de 13 points au profit des élèves n’ayant pas suivi d’études préscolaires. Fondé majoritairement sur l’apprentissage mécanique, l’enseignement préscolaire traditionnel a tendance à altérer l’apprentissage des matières scientifiques qui nécessite un minimum de raisonnement. Bien évidemment, cette déduction nécessite une étude approfondie en vue qu’elle soit confirmée. Pour ce qui est des écoles privées, les élèves n’ayant pas suivi d’études préscolaires semblent rattraper leur retard, vu que l’écart est statistiquement non significatif au niveau des deux matières.

Dans un autre ordre d’idées, l’écart entre les genres est aussi important dans le système éducatif marocain. D’après les différentes études menées à ce sujet, il est admis que les filles surpassent les garçons en matières littéraires tandis que ces derniers dépassent les premières en matières scientifiques. Au Maroc, les résultats révèlent que les filles surpassent les garçons au niveau des deux matières. Cependant, c’est la lecture qui enregistre une très grande différence entre filles et garçons. Atteignant 35 et 31 points dans les écoles publiques urbaines et rurales, l’écart entre les genres n’est estimé qu’à 11 points dans le secteur privé, soit trois fois moins que le secteur public. Au niveau des mathématiques, cet écart demeure faible comparé à la lecture, avec des valeurs de 7 et 11 points dans les écoles publiques urbaines et rurales. S’agissant des écoles privées, la différence entre filles et garçons n’est pas statistiquement significative.

Quelques pistes de réflexion

En somme, l’analyse des acquis scolaires des élèves a mis en lumière leurs faibles performances. De plus, ce constat tend à s’alourdir année après année, et ce, en dépit des réformes mises en places. Il apparaît également que le secteur public échoue à remplir sa mission. Outre le fait que plus de 4 élèves sur 5 sont proches de l’analphabétisme, l’offre éducative publique semble pénaliser davantage les élèves sans éducation préscolaire ainsi que les garçons. A cela répond un secteur privé plus performant, qui est en mesure d’atténuer les inégalités constatées à l’entrée du cycle primaire. Cela va sans dire que si le statu quo est maintenu, le risque de ségrégation sociale entraverait toutes les avancées réalisées jusqu’ici.

En cela, nous pouvons dire que la vision stratégique arrive à point nommé. Des réponses sont apportées par cette nouvelle vision. Citons à titre d’exemple, l’intégration du préscolaire dans le cycle primaire, la mise en place des cours de soutien, l’instauration des bibliothèques ainsi que la révision des curricula et des méthodes pédagogiques. Cela dit, il est important de souligner qu’avant de viser l’excellence, il est primordial d’éradiquer l’analphabétisme au sein des écoles. Les résultats présentés dans la section précédente démontrent que ce phénomène est omniprésent dans les écoles publiques. Parallèlement à cela, les garçons semblent à la traine par rapport aux filles dans les deux matières. Une attention particulière doit être accordée à cette catégorie d’élèves. En ce qui concerne les écoles rurales, le déficit en lecture est à prendre en considération. Cependant, une grande partie des élèves brillants en mathématiques appartient à ce milieu. 7 élèves sur les 8 ayant atteint le benchmark avancé sont des ruraux. Comment expliquer un tel résultat ? A ce stade, il n’est possible que de proposer certaines pistes. Parmi lesquelles figurent les pré-requis pour exceller dans les deux matières. La lecture nécessite un environnement familial instruit tandis que pour les mathématiques aucun pré-requis n’est exigé. C’est ce qui expliquerait le profil scientifique des élèves en zone rurale.

Pour conclure, la vision stratégique a encore du chemin à parcourir. La situation actuelle de la qualité de l’enseignement nécessite une attention particulière. De surcroît, chaque catégorie d’écoles présente des caractéristiques qui lui sont propres. Sortir l’école de cette situationprofond nécessiterait un temps non-négligeable. Cependant, l’approche proposée est prometteuse. Reste à savoir maintenant, comment chaque catégorie d’écoles sera traitée ? Comment le processus de suivi sera mis en place ? Comment les parents seront impliqués ? Comment les curricula et les méthodes pédagogiques seront révisés en fonction du public ciblé ? Les réponses à ces questions seraient déterminantes pour garantir une école publique performante offrant les mêmes opportunités à tous.

Figure 5 : Ecart dû aux études préscolaires et entre les genres