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L’Afrique et les marchés mondiaux de matières premières

Sous la direction de : Philippe Chalmin , Yves Jégourel | October 25, 2021

Fruit d’une collaboration étroite entre CyclOpe et le Policy Center for the New South (PCNS), le rapport Arcadia – pour Annual Report on Commodity Analytics and Dynamics In Africa – se fonde sur une réalité bien connue : les matières premières fa- çonnent et façonneront une large part de la physionomie des économies africaines et doivent, en raison de cette dimension stratégique, faire l’objet d’analyses dédiées. À cet égard, ce rapport est probablement unique. Il offre en effet un large panorama des produits de base exportés par les nations africaines – produits agricoles, minerais, mé- taux et énergie – en associant à l’étude conjoncturelle des marchés sur lesquels ils sont échangés, une perspective continentale en phase avec l’ambition fondamentale qui guide les actions du PCNS : proposer des outils d’analyse prospective d’une Afrique ouverte sur le monde et, par là même, offrir un regard renouvelé sur les multiples économies qui la composent.

Parvenu à sa quatrième édition, dont trois sous le label «Arcadia», ce rapport continue d’évoluer, reflet de notre volonté de servir au mieux le débat public. Le lecteur remarquera notamment que la partie consacrée, dans les versions précédentes, aux grandes questions structurelles associées aux « matières premières du continent africain » n’y figure plus. Il y a une explication simple à cela : ces problématiques ne se posent que dans un horizon long, bien supérieur, en réalité, à la fréquence de parution d’Arcadia. À notre sens, elles ne justifiaient donc pas que de nouvelles analyses leur soient consacrées, les précédentes étant toujours d’actualité. De la guerre commerciale sino-américaine à la pandémie de Covid-19, il faut également souligner que la conjoncture 2019-2021 des marchés mondiaux de matières premières fut particulièrement dense et qu’elle fut en conséquence l’objet de toutes nos attentions! Les mutations structurelles des marchés de matières premières sont néanmoins bien traitées dans Arcadia et l’organisation de nos chapitres en témoigne. La transition environnementale dans laquelle nos économies et nos sociétés se sont investies se traduit par un désengagement progressif des éner- gies fossiles et, à la faveur du développement de l’électromobilité et d’une électricité « propre », par un effet de report sur certains minerais et métaux. C’est la raison pour la- quelle cette édition 2021 accueille désormais un chapitre dédié au cobalt, métal « phare » des batteries des véhicules électriques. Alors que les rapports précédents regroupaient dans un même chapitre « platine et diamants », il nous a semblé en outre logique de dis- socier désormais ces deux matières premières, l’une étant fortement dépendante d’une demande industrielle, l’autre non. Nous ne prétendons bien sûr pas à l’exhaustivité au regard des matières premières considérées dans Arcadia, privilégiant une analyse dense, 

mais synthétique pour offrir aux lecteurs une vision stratégique des marchés d’importance pour l’Afrique, tant au niveau de ses exportations que de ses importations. Le pragmatisme demeure néanmoins notre règle et il est de ce point de vue probable que la prochaine parution, celle de 2023, s’enrichisse de nouveaux produits africains. Ce n’est toutefois pas dans les lignes, paragraphes et chapitres d’Arcadia que les évolutions les plus marquantes peuvent être trouvées, mais parmi nos contributeurs. Africains pour la majorité, de nouveaux auteurs nous avaient rejoints pour l’édition 2019. Celle de 2021 voit, quant à elle, la présence renforcée de jeunes économistes du PCNS, conséquence de la logique partenariale qui unit, depuis des années maintenant, le «Policy Center» – comme il est souvent de coutume de le nommer – et CyclOpe. Actant de l’importance des stratégies Sud-Sud tout en gardant une orientation résolument internationale, nous avons fait de la présence de ces experts un des axes stratégiques d’Arcadia. Qu’ils en soient ici sincèrement remerciés !

Comme il est de tradition, il nous faut également expliquer la couverture choisie pour ce nouveau rapport Arcadia. L’édition 2017 avait valorisé les cabosses chamarrées du cacao ivoirien, tandis que celle de 2019 avait privilégié l’ananas, symbole de la résilience des économies africaines, de notre point de vue. La présente édition délaisse le monde agricole pour embrasser le monde minier et, plus précisément, celui du cuivre. Il y a trois raisons fondamentales à cela. La première vise à rappeler une évidence : celle du rôle central joué par ce métal dans la transition environnementale. Du véhicule électrique aux parcs éoliens, il est en effet au cœur de la stratégie de décarbonation de notre monde et fait donc l’objet de toutes les attentions, industrielles comme politiques. Intimement liée à la précédente, la deuxième explication tient à «l’actualité des mar- chés » : promis aux meilleurs avenirs alors que son offre est contrainte à court terme, le cuivre a vu ses prix s’envoler et atteindre des records en mai 2021 après avoir connu les limbes au printemps 2020. Il ne fut pas le seul et d’aucuns annonçaient alors l’aube d’un nouveau supercycle. Produit d’une équation complexe où des variables économiques, géopolitiques et financières s’entremêlent, la dynamique des prix d’une matière pre- mière a, de tout temps, fait montre d’une grande volatilité et peut-être fallait-il se garder de trop grandes certitudes dans ce domaine. Déjà, d’ailleurs, ses cours se repliaient en juin. On ne saurait de plus oublier que d’autres minerais portent des enjeux majeurs. Ayant lui aussi connu des sommets, le fer compte parmi ceux-là. Largement dépendante des importations en provenance de l’Australie et du Brésil, la Chine devrait engager une diversification de ses sources d’approvisionnement et, à l’exemple emblématique du mont Simandou en Guinée, l’Afrique a d’importantes cartes à jouer dans ce domaine.

La troisième et dernière raison vise à souligner, au travers de cette image du minerai de cuivre, que les matières premières sont, par essence, la première étape d’un long processus. Par la multiplicité des opérateurs qui l’animent, il relie les champs de caféiers du sud-ouest de l’Éthiopie au zinc d’un bar berlinois ou moscovite, le coton burkinabè aux filatures de Taiwan, le fer provenant des mines sud-africaines aux hauts-fourneaux indiens... le cuivre chilien, péruvien ou congolais aux laminoirs chinois. Les matières premières sont l’incipit de l’Histoire des nations exportatrices dont les choix politiques, infortunés ou avisés, déterminent le bien-être économique et social des populations qui les font vivre. Au sein de ces chaînes de valeur, la ressource agricole ou extractive est essentielle, mais les infrastructures de transport, de communication, éducatives, énergétiques ou financières le sont tout autant. Elles sont en effet une des conditions sine qua non de la production, de la transformation et de la commercialisation des matières premières sur les marchés internationaux. Dans ce monde si particulier des « commodities » – pour utiliser un anglicisme bien connu visant à qualifier ces « grandes » matières premières, objet du négoce comme des opérations de couverture ou de spéculation sur les places boursières de référence, comme celles de Londres, New York ou Chicago, ou encore celles de Shanghai, Singapour ou Dalian –, l’impératif concurrentiel fait loi, et de la qualité de ces infrastructures dépend l’organisation des échanges mondiaux de demain. Gardant ces enjeux à l’esprit, donnons à ce minerai de cuivre porté par la Green Economy un gage symbolique : celui d’un avenir rayonnant pour le continent africain. Cette belle perspective, nous la souhaitons, bien plus modestement, pour le rapport Arcadia, la présente édition et celles – nombreuses ! – qui lui succéderont. Par vos recommandations et citations, mais également vos remarques, votre rôle est ici déterminant et nous vous en remercions par avance.

Bonne lecture !