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Faciliter les échanges alimentaires au sein de la CEDEAO

Onasis Tharcisse Adétumi GUEDEGBE | December 23, 2016

La Communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est un regroupement d’une quinzaine de pays ouest africains qui ont fait l’option de l’intégration économique pour contribuer à leurs progrès et à leur développement. Comme le stipule clairement le traité de la communauté, cela implique la création d’un marché commun, notamment par la libéralisation des échanges entre pays membres . Le Schéma de Libéralisation des Echanges (SLE) de la CEDEAO est le principal dispositif institutionnel mis en œuvre à l’échelle de la communauté. Il est accompagné par d’autres comme l’union douanière de l’Union Economique et Monétaire de Ouest Africaine (UEMOA).

Le développement du secteur agricole est également l’un des principaux objectifs des pays de la communauté économique. Soutenant cette ambition, plusieurs études ont fait cas d’un potentiel important pour la production agricole dans la région et de la capacité du secteur agricole d’être un vecteur d’intégration. A travers une exploitation efficace des avantages comparatifs, la CEDEAO pourrait profiter autant de l’intégration sous régionale que de l’intégration dans les chaines de valeur mondiales.

En réponse à la croissance très importante de la demande alimentaire (résultant de la poussée démographique, de l’urbanisation et de la croissance des revenus) et des transformations des habitudes de consommation alimentaire, le secteur agricole ouest africain poursuit une trajectoire de croissance. Au-delà de la production, les segments amont et aval des chaines de valeur agricole prennent aujourd’hui une ampleur non négligeable et devraient connaitre la plus forte croissance durant les prochaines décennies. L’économie alimentaire (ensemble des activités de production, transformation et distribution qui concourent à l’alimentation humaine) représentait 178 milliards USD en 2010, soit 36 % du PIB régional. Les segments amont et aval y ont représenté 40% de la valeur ajoutée de l’économie alimentaire. Ainsi, la forte expansion et les transformations profondes observées dans l’économie alimentaire sous régionale offrent des opportunités de croissance du secteur agricole, d’investissement et de création d’emploi, notamment dans la transformation et la distribution.

Sous l’angle de vue d’un marché alimentaire commun, elles offrent également des opportunités de croissance des échanges entre ces pays. Au vu de ces opportunités et de l’importance croissante des échanges alimentaires pour ces pays et pour la communauté (comme indiqué par la croissance des flux d’exportation dans le Tableau 1), les états se doivent de jouer leur rôle de facilitateur des échanges en menant les politiques et investissements appropriés.

Dans le cas du commerce communautaire, objet de cet article, malgré l’ancienneté des politiques de libéralisation et d’intégration adoptés par ces quinze pays, plusieurs études leur ont indiqué faible niveau d’intégration commerciale. La persistance de cet état des choses se lit dans les statistiques les plus récentes. En 2015, la part des exportations de produits alimentaires de ces quinze pays à destination de la communauté était de 11%.

Tableau 1: Exportations de produits alimentaires de la CEDEAO (Exportations en milliers USD et parts dans les échanges régionaux)

Source : Calculs de l’auteur à partir des données UNCTADSTAT

Au-delà contraintes liées à l’offre et à la demande de produits à l’intérieur de la sous-région, le présent article s’intéresse à comprendre cette faible intégration commerciale en analysant, pour les produits agricoles, trois autres catégories de facteurs qui conditionnent la propension des agents économiques à commercer dans la sous-région. Il s’agit des mesures tarifaires, des mesures non tarifaires et la qualité des infrastructures et de la logistique.

Une analyse globale des coûts

Il convient en premier lieu de prendre la mesure globale de l’ensemble des contraintes au commerce dans la communauté. Peu d’indicateurs peuvent synthétiser une telle masse d’informations. On se basera ici sur le calcul des coûts bilatéraux du commerce entre paires de pays. Ces coûts ont l’avantage d’agréger les effets de la distance géographique, la connectivité aux réseaux de transport internationaux, la performance de facilitation et de logistique des pays concernés, les infrastructures et les conditions de passages des frontières terrestres pour les pays voisins, la politique commerciale (tarifs), ainsi que l‘impact des mesures restrictives non-tarifaires. Un coût bilatéral plus élevé correspond à une réduction très forte du commerce.

La Figure 1 schématise ces coûts pour les produits de l’agriculture et de la manufacture, entre les pays de la CEDEAO et avec un partenaire hors CEDEAO (France) pour servir de référence de comparaison. Il en ressort que pour les produits agricoles, les coûts bilatéraux du commerce entre pays membres de la communauté sont bien plus élevés que ceux retrouvés dans leur commerce avec la France. On peut par exemple s’apercevoir que, pour le Sénégal, le commerce avec le Togo est plus de six fois plus coûteux qu’avec la France. Le cercle rouge sur la figure indique une concentration des coûts du commerce avec la France dans une zone de plus faible coûts, contrairement aux coûts du commerce intra CEDEAO. Les deux plus faibles niveaux de coûts sont réalisés avec la France comme partenaire commercial.   

Figure 1: Coûts bilatéraux du commerce en 2012 pour les pays de la CEDEAO

Source de données : The World Bank UNESCAP Trade Costs Database

Il est alors moins coûteux pour les pays de la CEDEAO de commercer avec un partenaire européen que de commercer entre eux. Cette conclusion constitue un paradoxe compte tenu de la proximité de ces pays et de leur volonté d’intégration maintes fois renouvelée. La suite de l’article sera consacrée à une décomposition de ces coûts pour identifier quelques goulots d’étranglement.

Les mesures tarifaires

Les niveaux d’obstacles tarifaires entre pays membres de la CEDEAO sont la conséquence directe des niveaux différents de mise en œuvre de la zone de libre-échange de l’UEMOA et de celle de la CEDEAO, tant aux échelles supra nationales que nationales.

L’UEMOA a réalisé des avancées considérables en matière de démantèlement des obstacles tarifaires au commerce, autant pour les produits industriels que pour les produits agricoles. Pour ces derniers, la libre circulation en franchise des droits et taxes d’entrée a été effective depuis 1996. Cela a été le cas un peu plus tard pour les produits industriels, et donc pour les produits issus de l’agro-industrie. A l’échelle nationale, on peut aujourd’hui constater une réelle application de cette mesure par les pays membres de l’UEMOA qui se traduit par des tarifs presque nuls sur les produits issus du secteur agricole, transformés ou non (voir Tableau 2).

Par contre, le niveau de démantèlement des barrières tarifaires dans le commerce intra CEDEAO impliquant un pays non membre de l’UEMOA est bien plus faible que celui rencontré dans le commerce intra UEMOA. Cela a pour conséquence les niveaux élevés de tarifs qu’on peut constater dans le Tableau 2 (chiffres en rouge). En effet, en dépit de la mise en place du SLE de la CEDEAO depuis 1979 et tout récemment de son union douanière, la réduction des tarifs n’est pas totalement effective, et cela concerne particulièrement les produits transformés (qui font partie des produits industriels).

Les retards accusés par certains pays dans l’application des dispositions communautaires et surtout les difficultés rencontrées dans l’utilisation des règles d’origine pour la circulation en franchise des produits industriels peuvent contribuer à expliquer les niveaux élevés de tarifs douaniers appliqués sur bon nombre de produits agricoles transformés. Comme nous le verrons dans la partie suivante, très peu d’entreprises sont bénéficiaires du certificat d’origine communautaire dans les pays de la CEDEAO. Les niveaux élevés de tarifs sont également le fait de l’importance de la réexportation dans la sous-région.

Tableau 2: Matrice des tarifs douaniers appliqués par les pays de la CEDEAO sur les produits agricoles Période 2012-2014

Source : données du UNCTAD - Trade Analysis Information System (TRAINS). Calculs de l’auteur

Les mesures non tarifaires

Elles sont définies comme des mesures politiques, autres que les tarifs douaniers, qui peuvent économiquement affecter le commerce international de biens, en modifiant les quantités échangées, les prix, ou les deux à la fois. Au plan mondial, suite au démantèlement progressif des barrières tarifaires (tarifs douaniers), les MNT ont rapidement émergé comme principales contraintes au commerce international. Toutefois, leur principal objectif n’est pas de protéger les marchés, mais de contrôler les produits échangés pour des raisons de santé, environnementales, etc. Elles sont également utilisées dans les buts d’assurer la qualité et la reconnaissance de certaines marchandises, de garder un rapport détaillé des exportations et des activités économiques et de recueillir des recettes fiscales. Cela n’empêche que ces mesures soient perçues comme de grands défis de l'intégration régionale, en particulier dans la CEDEAO.

La complexité d’atténuer les effets de ces formes de contrainte au commerce ne se limite pas seulement à la nature légitime des règlements entre partenaires au commerce. Les MNT ont la particularité d’être très diversifiées, allant des mesures affectant les importations (incluant les mesures techniques et mesures non techniques) aux mesures affectant les exportations. Cette complexité tient également au nombre important d’obstacles procéduraux (OP) qui sont liés aux MNT. Les OP sont des problèmes pratiques auxquels sont confrontées les entreprises lorsqu’elles doivent se conformer aux différents règlements imposés (MNT). Ils peuvent être rencontrés au niveau de l’administration ou au niveau logistique.

D’après les résultats de récentes enquêtes menées par le Centre International du Commerce (ITC), les MNT se révèlent être diverses et omniprésentes dans le commerce intra régional des produits agricoles. Elles sont retrouvées tant au niveau des pays d’origine (MNT nationales) qu’au niveau des pays de destination des exportations. 26% des cas de MNT jugées contraignantes sont rencontrés dans le pays d’origine, tandis que 30% sont rencontrés à destination. En outre, 40% des MNT contraignantes rencontrés par les exportateurs de produits agricoles sur les marchés étrangers sont rencontrés sur le marché sous régional.

Les différentes MNT affectant les exportations agricoles et rencontrées à l’origine et à destination sont présentées dans la Figure 2. L’évaluation de la conformité, les redevances, taxes et autres mesures para tarifaires sont les principales MNT rencontrées à destination tandis que l’inspection et les taxes et redevances à l’exportation sont les principales MNT rencontrées à l’origine.

Ce qui rend les MNT contraignantes (du point de vue des entreprises), ce sont soit leur nature trop rigoureuse et difficile à respecter (obstacles règlementaires), soit les pratiques connexes (obstacles procéduraux) qui rendent difficiles le respect de ces MNT, soit les deux raisons à la fois. Les enquêtes de l’ITC ont indiqué que la perception contraignante des MNT rencontrées dans le pays d’origine provient essentiellement des obstacles procéduraux. Pour ce qui est des MNT rencontrées à destination, il s’agit plutôt des obstacles règlementaires. En effet, il a été constaté que 73% des MNT nationales considérées comme une contrainte au commerce agricole intra régional sont principalement dues à des obstacles procéduraux, tandis que 67 % des MNT contraignantes rencontrées dans le pays partenaire de la CEDEAO sont dues aux obstacles règlementaires.

Figure 2: MNT contraignant les exportations agricoles intra CEDEAO

Source : NTM Business Surveys, International Trade Center

Figure 3: A gauche, les MNT techniques contraignantes appliquées par les partenaires de la CEDEAO. A droite, les obstacles procéduraux liés


Source : NTM Business Surveys, International Trade Center

Figure 4: A gauche, les MNT contraignantes appliquées dans le pays d’origine. À droite, les obstacles procéduraux liés

Source : NTM Business Surveys, International Trade Center

Les résultats de ces enquêtes ont également indiqué que l’importance des différents types de mesures non tarifaires, de même que celle des obstacles procéduraux liés, varient selon les pays, les secteurs, la taille des entreprises et selon que l’entreprise soit exportatrice ou importatrice, ou les deux. Les MNT rencontrées à destination sont réparties en mesures techniques et en mesures non techniques. Les mesures techniques affectent plus les matières non transformées que celles transformées, qui sont quant à elles plus affectées par les mesures non techniques.

En ce qui concerne les obstacles techniques, les exigences de pré-inspection, d’emballage et la certification des produits sont les principales mesures perçues comme contraignantes (voir Figure 3). Les obstacles procéduraux sont le principal motif de la perception contraignante de ces mesures techniques. Les huit types d’OP liés aux mesures techniques sont également représentés dans la Figure 3. Il en ressort par exemple que les frais informels et élevés, ainsi que les longs délais ou retards observés dans la démarche de certification des produits constituent les principaux obstacles procéduraux liés à cette mesure.

Ces obstacles procéduraux se produisent autant dans le pays exportateur que dans le pays partenaire de la CEDEAO. Egalement, ils impliquent différentes institutions ou parties prenantes comme les douanes, les agences de certification, d’évaluation de la conformité, de contrôle/inspection des exportations/importations, de transport ainsi que des ministères. Toutes ces intervenants dans le processus d’exportation créent à des degrés d’incidence différents des obstacles procéduraux. Les douanes sont par exemple très connues pour les paiements informels et élevés, les longs délais de traitement et les retards, les problèmes administratifs, le manque de reconnaissance/accréditation ainsi que pour les comportements discriminatoires de leurs agents. Les deux premiers OP sont retrouvées dans pratiquement toutes les institutions.

Pour ce qui est des obstacles non techniques, ils constituent une contrainte au développement du commerce des produits issus de l’agro-industrie dans la sous-région, et donc contribuent à décourager le développement de ce sous-secteur. En plus des surtaxes douanières, les règles d’origine et les inspections supplémentaires avant expédition sont les MNT non techniques que les entreprises perçoivent comme contraignantes. Mis à part la nature plus ou moins rigoureuse de ces mesures, elles sont également liées à un certain nombre d’obstacles procéduraux.

L’application des règles d’origines dans le cadre du SLE de la CEDEAO est contraignante surtout à cause des longues procédures dans l’approbation et l’obtention des certificats d’origine. Ces mesures sont également associées à des paiements informels dans les pays d’origine et de destination. Tout ceci résulte dans le fait que peu d’entreprises et produits sont approuvés par le SLEC (voir Tableau 3). Des coûts et retards inutiles sont également associés aux inspections avant expédition. Ces procédures sont souvent répétées dans le pays d’origine et celui de destination. Enfin, les surtaxes douanières sont principalement le fait d’obstacles règlementaires. Elles peuvent être perçues comme un remplacement caché des droits de douane et leur utilisation généralisée a un impact sur les exportateurs régionaux (augmentation des prix des produits, pertes de profits, perte de compétitivité). Les autres obstacles non techniques sont : le contrôle des importations et les exigences de surveillance ; les mesures de contrôle quantitatif ; les autres redevances et taxes ; et les autres mesures à l’importation.

Tableau 3: Entreprises et produits approuvés par le SLEC dans quatre états de la CEDEAO

Source : ITC et AFDB (2016)

Les MNT contraignantes appliquées dans le pays d’origine affectent tous les produits concernés indépendamment du marché de destination. L’importance des différentes MNT contraignantes appliquées à domicile est schématisée dans la Figure 4. L’inspection avant exportation revient comme principale contrainte. Du plus au moins important, elle est suivie des interdictions à l’exportation, des licences ou permis d’exportation, de la certification requise à destination, des autres mesures relatives aux exportations et des exigences d’enregistrement.

Les obstacles procéduraux reviennent encore comme principaux motifs de la perception contraignante des MNT appliqués dans le pays exportateur. Ils sont également représentés dans la Figure 4. Le constat majeur qui en ressort est que les contraintes liées au temps (procédures fastidieuses d'évaluation de la conformité et contrôles connexes) ainsi que les paiements informels et élevés sont les raisons principales de la perception contraignante de tous les MNT appliqués à domicile. Egalement, les charges administratives entravent l’obtention de permis ou licences d’exportation. Enfin, le manque d'installations ou d’équipements spécifiques handicape les certifications d'exportation, compte tenu des exigences techniques sur certains produits.

Dans le pays d’origine, les paiements informels et élevés, les longs délais et retards, ainsi que les problèmes administratifs sont des difficultés pratiques les plus fréquentes et sont rencontrées dans pratiquement toutes les institutions (douanes, ministères, autorités portuaires, différentes agences précitées). Quant aux autres, les deux premières sont toutefois plus fréquentes au niveau des douanes (et autres organismes nationaux chargés des contrôles et des inspections personnalisées). Les douanes sont d’ailleurs associées à tous les obstacles procéduraux.

Environnement des affaires

Au-delà des contraintes de nature tarifaire et non tarifaire au commerce, le développement des échanges de produits agricoles est aussi tributaire de la qualité des infrastructures de transport et de la logistique au niveau de chaque pays, en général, et au niveau transfrontalier, en particulier. Le transport des produits agricoles, en particulier des produits frais, exige une bonne qualité des infrastructures routières de telle manière à minimiser les pertes post-récolte et maximiser les profits des entreprises. Ces mêmes objectifs exigent une célérité dans les procédures transfrontalières. Le transport des produits agricoles est également demandeur d’une logistique adaptée pour maintenir la qualité des produits, par exemple pour ne pas rompre la chaine de froid.

Sur ces deux plans, infrastructure et logistique, les pays de la CEDEAO ont encore a beaucoup investir pour relever le défi de l’intégration régionale et améliorer leurs performances. En effet, d’après les résultats d’enquêtes récentes menées par la Banque Mondiale et le Forum Economique Mondial, les pays de la CEDEAO sont loin des niveaux maximum atteints dans ces deux domaines (voir Figure 5 et 6). Sur la première figure, on peut constater que, pour chacune des composantes de la performance logistique, la moyenne des scores obtenus par ces pays est pratiquement la moitié du score obtenu par le pays ayant réalisé le meilleur score. En se focalisant sur les infrastructures (Figure 6), on peut constater qu’en général, les pays restent à des niveaux plus ou moins intermédiaires vis-à-vis du score maximal (7). La côte d’ivoire semble être un bon exemple de progrès dans toutes les composantes infrastructurelles. Quant aux procédures douanières, le poids de leur lourdeur est également à un niveau intermédiaire.

En somme, vu ces résultats, les qualités des infrastructures et de la logistique continue d’être une contrainte de poids au développement du secteur privé en général et au commerce transfrontalier en particulier. Ils contribuent à décourager le commerce et donc l’investissement. Les gouvernements ont un rôle important – sinon exclusif – à jouer dans l’amélioration de la qualité des infrastructures. Cela passe notamment par l’accélération de la mise en œuvre des plans régionaux de développement d’infrastructures transfrontalières de qualité. Quant au secteur privé, il est principalement concerné par le développement de chaines logistiques adaptées au secteur. Cela demeure toutefois conditionné par la mise en place d’un bon environnement des affaires par les états.

Figure 5: Niveaux de performances logistiques en 2016


Source : World Bank Logistic Performance Index. Calculs de l’auteur

Figure 6: Niveaux de qualité des infrastructures et des douanes (meilleur = 7)


Source de données : The Global Competitiveness Index 2015-2016 – World Economic Forum

Conclusion et implications

La croissance agricole et les nouvelles caractéristiques de l’économie alimentaire offrent à l’économie sous régionale des perspectives de croissance qui sont conditionnées – entre autres – par une meilleure facilité des échanges. Malgré la mise en place du dispositif institutionnel à cette fin, certains défis restent encore à relever pour que les entreprises puissent profiter pleinement des opportunités que leur offre le marché commun. Le coût du commerce agricole dans la communauté est renchéri par des obstacles de nature tarifaire en voie de démantèlement, mais également par une diversité de mesures non tarifaires perçues comme des obstacles par les entreprises.

Les tarifs douaniers et des paiements informels créent des coûts directs qui renchérissent les prix des produits alimentaires et affectent la compétitivité des entreprises. Ces problèmes doivent être attaqués à la source en accélérant la mise en conformité des différents pays aux règlements communautaires. Des mécanismes de suivi et d’évaluation peuvent servir d’outils incitatifs à la suppression effective des droits de douane. De même, les agents étatiques impliqués dans les paiements informels (en particulier les douanes) doivent être plus responsabilisés et contrôlés à leur tour. Le recours aux nouvelles technologies devrait également être utilisé pour minimiser le rôle du facteur humain dans toutes les procédures commerciales.

Les autres mesures non tarifaires perçues comme des obstacles créent aux entreprises des coûts indirects liés à la difficulté de mise en conformité et/ou aux obstacles procéduraux. De plus, la répétition de certaines de ces mesures au départ et à l’arrivée des marchandises est un facteur aggravant. Considérant la légitimité de ces mesures, il importe de mener des stratégies visant à réduire la perception d’obstacle que les entreprises ont à leur égard. Pour ce faire, il faut d’une part, (i) contrôler, responsabiliser et améliorer l’efficacité des intervenants dans les procédures commerciales en vue de réduire les temps de traitement, (ii) améliorer la coopération bi et multilatérale entre les institutions en charge des contrôles et des délivrances des certificats pour éliminer les mesures ou procédures qui se répètent ou qui chevauchent.

Mais d’autre part, il importe d’améliorer l’accès des agriculteurs et des transformateurs à l’information sur les exigences communautaires (en particulier le certificat d’origine et la procédure liée) et sur le marché. L’information sur le marché doit être autant accessible aux vendeurs qu’aux acheteurs. A cet effet, des mécanismes de bourses de produits agricoles ou alimentaires peuvent émerger. Si plusieurs tentatives de mise en place de tels types de bourse ont échoué en Afrique, la voie pour plus de coopération sud-sud est une clé de réussite d’un tel projet car les contextes socioéconomiques sont proches. La CEDEAO pourrait par exemple profiter de l’expérience éthiopienne en la matière. Depuis 2008, ce pays s’est doté d’une bourse des matières premières qualifiée aujourd’hui de réussite, au vu des impacts positifs constatés, entre autres, sur les revenus des agriculteurs. Moyennant un certain nombre d’adaptations, ce mécanisme pourrait voir le jour à l’échelle du marché commun de la CEDEAO.

Enfin, les efforts doivent se poursuivre en termes d’amélioration de la qualité de la logistique et des infrastructures. Moyennant des mesures d’incitations à l’investissement (incitations fiscales, améliorations de l’environnement des affaires, etc.), le secteur privé pourrait se développer et offrir des services de transport et de logistique répondant aux exigences des produits alimentaires. Cela constitue également une opportunité pour la coopération sud-sud, en termes d’aide à la mise en place de cadres incitatifs ou encore d’investissements dans les domaines de transport et de la logistique. Les efforts d’amélioration des infrastructures doivent être accélérés par l’exploitation des nouvelles opportunités de financement résultant des transformations de l’environnement international (par exemple, l’émergence de nouveaux acteurs comme les BRICS et de leur Nouvelle Banque de Développement, le regain croissant d’intérêt du Maroc pour la région subsaharienne, etc.) et le recours au potentiel mal exploité de mobilisation des ressources intérieures.