Conséquences économiques et politiques de la chute de la production pétrolière en Afrique subsaharienne à l’horizon 2030
Le vif rebond des prix du pétrole depuis le deuxième semestre 2020, tutoyant en mai 2021 les 70 dollars par baril, ne représente qu’un répit ponctuel pour les économies africaines ultra-dépendantes aux ressources pétrolières qui doivent très vite faire évoluer leur modèle. La crise du Covid-19 a encore davantage affaibli les économies pétrolières du golfe de Guinée que celles des autres pays africains, aggravant une situation déjà devenue critique depuis 2014-2016, lors de la précédente période de crise des prix du pétrole. Si l’ensemble des pays producteurs africains membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) sont entrés en récession en 2020, les autres pays historiquement producteurs de faibles volumes ont été beaucoup moins touchés par les conséquences économiques de la pandémie et ont évité la récession économique. Avec des réserves pétrolières en chute, des gisements en déplétion et des coûts de production élevés, la quasi-totalité des pays producteurs du golfe de Guinée doivent réformer leur secteur des hydrocarbures pour tenter de retenir ou d’attirer le cas échéant des sociétés capables de consentir à de lourds investissements. C’est le cas du Cameroun, Gabon, Congo, Guinée équatoriale, Côte d’Ivoire, Angola, République démocratique du Congo (RDC). Ailleurs en Afrique subsaharienne, la situation est similaire au Soudan et Soudan du Sud ou alors dans les zones aux gisements de relative petite taille (Niger, Tchad). Cela concerne aussi les zones de production situées en offshore profond voire très profond (Nigeria, Angola). Le contexte actuel se complique d’autant plus que le volume des investissements pétroliers dans le monde pourrait baisser du fait des contraintes de la finance verte et des nouvelles stratégies des majors pétrolières. La zone historique de production du golfe de Guinée en Afrique va connaître un départ graduel des majors occidentales qui seront remplacées par des sociétés de plus petite dimension aux coûts de structure plus réduits. Si le Nigeria devait retenir encore quelques temps les majors sur les projets importants en offshore, la mise en place de la réforme du secteur en cours (Petroleum Industry Bill) sera néanmoins déterminante pour enclencher ces coûteux investissements. En Angola, les majors devraient toutefois, d’ici à 2030, céder leurs actifs vieillissants, voire envisager leur sortie complète du pays. Il en est de même en Guinée équatoriale. Si le Gabon et la République du Congo ont récemment vu leur débit s’accroître, la chute de la production y sera inexorable à moyen-terme. Le Nigeria peut se targuer de réserves très significatives mais les défis sécuritaires ainsi que la corruption systémique au niveau fédéral comme au niveau des neuf États pétroliers du delta du Niger retardent considérablement les décisions d’investir. D’autant plus que d’importants investissements seront nécessaires pour ne serait-ce que maintenir un niveau de production pré-Covid-19. L’Angola n’a comme seule option d’accepter de négocier à la baisse ses exigences fiscales, de contenu local et de participation de sa société nationale Sonangol pour espérer attirer les plus grands pétroliers dans les nouvelles zones d’exploration pour freiner la baisse de production commencée voilà déjà cinq ans. La diversification des économies pétrolières en Afrique va devoir s’effectuer à marche forcée et sera essentielle pour garantir le financement des administrations et pour éviter l’appauvrissement rapide des populations. Or, jusqu’à présent, ces producteurs sont restés pour la plupart très attentistes, pariant sur une remontée des cours du brut. Le Gabon est probablement le seul ayant tenté depuis une décennie de mettre en place un réel plan de diversification, comme dans l’agriculture qui demande davantage de main-d’œuvre que le secteur pétrolier. Le Gabon est aussi le seul gros pays producteur de la région ayant mis en place des mécanismes d’État providence, même s’il est défaillant. Les bailleurs de fonds traditionnels ont du mal à accélérer la transformation de ces économies « droguées » aux pétrodollars, même avec les conditions liées aux prêts octroyés. Les régimes en place dans ces pays ne souffrent que très marginalement de la baisse des cours et de la production. Leur résilience paraît forte, d’autant plus que le secteur pétrolier n’a jamais permis le financement d’un quelconque État providence (en dehors du Gabon) et n’a jamais ouvert le moindre avantage pour la population en dehors d’un prix à la pompe souvent régulé (et qui tend à disparaître au Nigeria). La Guinée équatoriale – puis bientôt le Congo – est probablement le pays confronté aux plus grandes difficultés. Le niveau de production est en chute libre depuis bientôt dix ans et l’économie est en récession depuis 2016. L’absence de réforme significative du secteur des hydrocarbures doublée d’une rigidité récente sur la question du contenu local, et le blocage des départs de société ne parvenant pas à amener des remplaçants convenant au pouvoir local, devraient contribuer à rétrécir ce secteur extractif. N’ayant jamais développé le moindre État providence et ayant de plus toujours réprimé la moindre manifestation, Malabo ne devrait toutefois pas faire face à des difficultés sociopolitiques.