Chine – Maroc – Afrique : Un Partenariat Agroalimentaire Novateur
L’objet de ce travail est de proposer la mise en place d’un partenariat de progrès entre la Chine et le Maroc, centré sur la question agroalimentaire en Afrique. C’est dans ce continent que la demande alimentaire va augmenter d’une façon très sensible au cours du XXIème siècle notamment en raison de sa progression démographique et de l’accélération de son urbanisation. L’Afrique est dans l’obligation de réussir sa révolution agricole pour combattre la faim et la pauvreté, accéder à l’industrialisation de son économie et maitriser son urbanisation. Le devenir agroalimentaire de l’Afrique est aujourd’hui un souci pour le monde entier. Il touche notamment à son équilibre démographique et constitue par conséquent une affaire d’intérêt mondial.
L’objet de ce travail est de proposer la mise en place d’un partenariat de progrès entre la Chine et le Maroc, centré sur la question agroalimentaire en Afrique. C’est dans ce continent que la demande alimentaire va augmenter d’une façon très sensible au cours du XXIème siècle notamment en raison de sa progression démographique et de l’accélération de son urbanisation. L’Afrique est dans l’obligation de réussir sa révolution agricole pour combattre la faim et la pauvreté, accéder à l’industrialisation de son économie et maitriser son urbanisation. Le devenir agroalimentaire de l’Afrique est aujourd’hui un souci pour le monde entier. Il touche notamment à son équilibre démographique et constitue par conséquent une affaire d’intérêt mondial.
Pourquoi la Chine, grande puissance mondiale, et le Maroc, pays en développement du nord de l’Afrique, doivent-ils travailler ensemble autour de la question agroalimentaire en Afrique ? Tout simplement parce que les deux pays possèdent des atouts importants en matière de production de phosphates, composante essentielle des engrais nécessaires à tout progrès en matière agricole. L’un, la Chine, est aujourd’hui le premier producteur de phosphate et de ses dérivés qu’il utilise avant tout pour ses besoins domestiques. L’autre, le Maroc, possède l’essentiel des réserves de phosphates dans le monde et en est le premier exportateur.
Les deux pays développent aujourd’hui des relations particulières avec le continent africain : la Chine est devenue, depuis le début du siècle, le premier partenaire économique des pays africains sur tous les plans : commerce, aide, Investissements Directs à l’Etranger (IDE). L’Afrique est à la fois une composante et un relai majeur dans sa stratégie de «La Ceinture et la Route» lancée par le président Xi Jinping en 2014. L’agriculture est par ailleurs une composante essentielle de la coopération chinoise en Afrique.
Le Maroc quant à lui, cherche depuis quelques années déjà, sous l’impulsion royale, à renforcer son ancrage en Afrique pour répondre certainement à un besoin d’intégration régionale. L’OCP, son groupe national de production des phosphates est appelé, dans ce cadre, à promouvoir, avec les pays africains, un partenariat sud-sud agroindustriel.
Pour la Chine, la demande alimentaire (et donc des engrais) est avant tout bien sûr domestique. D’ailleurs, le développement agricole chinois des quatre dernières décennies peut être une véritable référence pour beaucoup de pays africains. C’est pour cette raison que la première partie de cette étude est réservée à la question agricole en Chine. La deuxième partie sera consacrée à la coopération chinoise en faveur de l’agriculture en Afrique, ainsi qu’aux projets agroindustriels proposés par le Maroc à certains pays africains.
I. La question agricole en Chine
Avec une superficie de 9.562.911 km² (troisième pays le plus grand de la planète) et une population de 1,371 milliard de personnes (pays le plus peuplé au monde, mais bientôt dépassé par l’Inde), la Chine est la deuxième puissance économique mondiale avec un PIB qui a dépassé les 10.000 milliards de dollars en 2014.
Avec ses 106 millions d’ha de superficies arables, ses 514 millions d’ha de terres agricoles et ses 212,4 millions d’ha de surfaces forestières, la Chine, grande puissance agricole, parvient à nourrir plus de 20% de la population mondiale. Elle ne possède cependant que 9% de la surface labourable de la planète et ses ressources en eau ne représentent que 9,5% des ressources mondiales. Enfin, 40% du pays est recouvert par des montagnes ou des déserts (Gobi et Taklamakan).
L’activité agricole représente aujourd’hui 10% du PIB, bien moins que lors du lancement de la politique d’ouverture et de réforme en 1979. Les produits phares de l’agriculture chinoise sont d’essence végétale : blé, riz, maïs, pomme de terre, soja, betterave, canne à sucre ainsi que tous les fruits et légumes. La Chine est au premier rang au niveau mondial pour ses productions de riz, de blé et de pommes de terre. Elle est deuxième producteur pour le maïs.
Malgré les grands progrès enregistrés ces dernières années et sa contribution à l’élan massif de l’industrialisation et de l’urbanisation, l’agriculture chinoise doit dépasser plusieurs contraintes et relever certains défis : Elle ne parvient pas, dans un contexte de hausse du pouvoir d’achat, à répondre à une demande alimentaire en augmentation rapide de plus en plus diversifiée ; la dualité structurelle du foncier constitue un handicap majeur au progrès nécessaire à l’offre agricole face à une demande en constante augmentation ; la rareté des ressources en eau est l’objet d’une inquiétude réelle car la disponibilité en eau est bien inférieure en Chine à la moyenne mondiale. Cette ressource est de plus en plus mal répartie à travers le pays. Malgré les progrès réalisés, la productivité moyenne reflète la dualité de la structure foncière et des niveaux techniques différenciés, aussi bien pour les productions animales que végétales. L’accroissement des coûts de production constitue une nouvelle source de contraintes pour l’agriculture chinoise. La question de la malnutrition est toujours à l’ordre du jour, bien qu’avec une moindre d’acuité que par le passé. L’impact des catastrophes naturelles est aussi signifiant puisque la Chine est le pays le plus exposé aux catastrophes naturelles dans le monde, catastrophes qui affectent le monde rural et l’agriculture : inondations, sécheresses, engorgement des sols, glissement des terrains, typhons, laves torrentielles, grêles, rafales de vents et températures glaciales.
Relever ces défis est une priorité absolue, avec une demande alimentaire qui est appelée à augmenter très significativement à l’horizon 2030-2050, d’où la diversité des actions et des politiques publiques dans ce domaine.
La Chine est une grande puissance agricole, première dans plusieurs productions de base. Pourtant, en matière de commerce extérieure, elle, qui a une balance commerciale largement excédentaire, enregistre un déficit structurel dans ses échanges agroalimentaires avec le reste du Monde. En 2014, ses exportations en la matière étaient de 56,8 milliards d’euros et ses importations supérieures à 88,6 milliards d’euros, soit donc un déficit de 32 milliards d’euros. Les trois principaux produits responsables de ce déséquilibre sont le sucre (50% de la consommation domestique sont importés), les huiles alimentaires (42%) et le soja (20%). Les achats chinois de soja représentent 60% de ses échanges mondiaux. La dépendance des filières animales, principalement laitière, augmente également. Compte tenu de la taille du marché chinois, ses importations ont nécessairement un impact direct sur le marché mondial des matières premières agricoles.
La Chine est en effet le premier client agricole de la plupart des grands pays exportateurs de matières agricoles d’Amérique, du nord et du sud, d’Océanie et d’Asie du sud-est. Avec 23%, les Etats-Unis sont au premier rang en valeur des importations agroalimentaires de la Chine. Celle-ci est ainsi le deuxième client agricole des Etats-Unis. Elle est le premier client du Brésil (21% des importations agricoles chinoises).
Les clients traditionnels des produits agricoles chinois sont le Japon (19%), les Etats-Unis (12%) et la Corée du sud (7%) qui achètent légumes, fruits frais ou transformés, viandes préparées et produits de la mer. Le thé chinois est bien sûr vendu partout dans le monde.
II. La Chine, le Maroc et la question agroalimentaire de l’Afrique
L’Afrique est aujourd’hui un centre stratégique autant pour la Chine que pour le Maroc. La Chine en tant que grande puissance mondiale, présente partout dans le continent. Le Maroc qui, grâce aux initiatives de SM le Roi Mohammed VI, a révélé son désir de renforcer ses relations avec ses racines africaines sur le plan politique (le retour du pays à l’Union africaine réalisé en 2016) et sa volonté de faire avancer son intégration économique à l’ensemble africain. Il vise par ailleurs à se placer, du fait de sa position géographique, comme un pays relais entre l’Afrique et l’Europe. Cette fonction rejoint certainement la stratégie chinoise de la ceinture et la route.
La coopération de la Chine dans le domaine agricole en Afrique prend appui sur le fait que ce continent possède 30% des terres arables non exploitées du monde et jouera un rôle majeur dans l’avenir alimentaire de la planète et de l’Afrique elle-même, compte tenu de l’essor de sa démographie et de la progression de son dynamisme urbain. Mais l’accroissement de la demande alimentaire est également chinois, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Ainsi, pour les Chinois, le développement nécessaire de l’agriculture africaine a un double objectif : répondre aux besoins alimentaires croissants des pays africains mais aussi contribuer à satisfaire la demande alimentaire additionnelle de la Chine. L’Afrique doit donc, à l’avenir, participer à nourrir la Chine.
C’est pour ces considérations que des entreprises chinoises, comme l’ont fait d’ailleurs des entreprises occidentales ou des pays du Golf, ont acheté ou loué des terres vierges dans un grand nombre de pays africains : RDC, Zambie, Soudan, Angola, Guinée, Tanzanie, Gabon, Ghana, Mali, Togo, Nigéria, Mauritanie, Mozambique, Sierra Léone et Cameroun. Ainsi, selon certaines sources d’information, les entreprises chinoises exploiteraient environ de 5% des terres cultivables d’Afrique de l’est, centrale et de l’ouest ; seulement 250.000 ha selon d’autres sources dans différentes régions en Afrique.
Les pays africains les plus concernés par la présence des entreprises chinoises sont par ordre d’importance le Mozambique (800.000 ha) le Zimbabwe (101.000 ha), le Cameroun (10.000 ha) et l’Ouganda (4.000 ha).
Les entreprises chinoises qui interviennent en Afrique produisent riz, maïs, manioc, sucre et maraichage, destinés aux marchés locaux, et coton, cacao, hévéa, huile de palme, destinés à l’exportation dans le monde et principalement vers la Chine. Via leurs investissements, des entreprises chinoises produisent du bois dans certaines zones forestières africaines.
Le partenariat sino-africain dans le domaine agricole concerne des actions d’aide visant la diffusion de l’innovation technologique dans ce domaine. La coopération chinoise a créé en Afrique quelques 25 centres de démonstrations agricoles dédiés aux semences à haut rendement et l’utilisation des produits phytosanitaires d’origine chinoise dans le cadre de l’approche de la « révolution verte ». De même, elle a développé des interventions dans les zones les plus pauvres en Afrique avec le soutien du PAM pour lutter contre la malnutrition.
Dans cette conjoncture critique pour les économies africaines, le président chinois a réuni le sommet de Johannesburg pour rénover les bases du partenariat sino-africain. A côté de ces propositions en matière de financement, la Chine a pris l’initiative d’accompagner un processus d’industrialisation de certaines économies africaines dans le cadre d’une approche de coproduction et même de délocalisation de certaines activités dont une partie est liée au secteur agroalimentaire. Ces propositions reflètent par ailleurs le passage de l’économie chinoise à un nouveau modèle de développement fondé sur le marché domestique, la hausse des salaires, l’économie des matières premières, l’utilisation des technologies très avancées et la promotion de l’économie verte. Plus généralement, ce nouveau partenariat intègre la logique de la stratégie de la ceinture et la route.
Au XXIème siècle, l’Afrique sera au centre de la question alimentaire pour des considérations démographiques et face aux perspectives de son urbanisation rapide.
Le rapport de l’ONU de juin 2017 sur les tendances démographiques dans le monde prévoit que la population mondiale approchera les 10 milliards d’individus en 2050, soit une augmentation de plus de 30% de la population actuelle (7,55 milliards). Après 2050, la progression démographique continuera avec une tendance cependant à la décélération. A la fin du siècle, le nombre des Terriens sera de 11,18 milliards d’individus.
Dans cette évolution des 30 prochaines années, la progression démographique la plus significative sera africaine. On assistera à une réduction de la population européenne et à une régression relative du nombre des Asiatiques.
Ainsi, la population asiatique, qui représente 60% de la population mondiale en 2017, verra sa part se réduire à 43% en 2100. Par contre, celle de l’Afrique passera de 17% (1,2 milliard de personnes) à 40% (4,4 milliards) entre ces deux dates. En 2030, le Nigéria avec 410 millions d’habitants sera le troisième pays le plus peuplé au monde après l’Inde (1,5 milliards) et la Chine (1,4 milliard). Par ailleurs, plus de la moitié de la croissance démographique dans les 30 prochaines années sera concentré dans 10 pays, dont 6 africains : Nigéria, RDC, Ethiopie, Tanzanie, Ouganda et Egypte.
Le phénomène d’urbanisation africaine prendra une ampleur exceptionnelle tout au long du siècle. Les mêmes sources estiment que le nombre d’habitants des villes en Afrique sera de 1,2 milliard en 2050, contre 400 millions en 2017 et à peine 30 millions en 1960.
Avec la potasse et l’azote, les phosphates sont une composante essentielle des engrais. L’avenir de l’agriculture et la question alimentaire dans le monde sont intimement liés à l’évolution de la production de phosphates, particulièrement pour les grands ensembles démographiques d’aujourd’hui et de demain : l’Afrique, l’Inde, la Chine, les Etats-Unis et le Brésil.
En termes de réserves mondiales, un pays prédomine de loin : le Maroc avec 50 milliards de tonnes, soit 72% des réserves connues dans le monde. Il est suivi de la Chine avec 3,7 milliards de tonnes, de l’Algérie (2,2 milliards), de la Syrie (1,8 milliard), de l’Afrique du Sud (1,5 milliard), de la Russie (1,3 milliard), de la Jordanie (1,3 milliard), de l’Egypte (1,2 milliard) et des Etats-Unis (1,1 milliard). Viennent ensuite des pays avec des réserves moyennes : l’Arabie Saoudite (960 millions de tonnes), Israël (130 millions de tonnes), la Tunisie (100 millions de tonnes), le Sénégal (50 millions de tonnes) et le Togo (30 millions de tonnes).
Selon USGS, Bureau géologique américain, les réserves en phosphates de la Chine seraient donc de 3,7 milliards de tonnes. Mais, pour Guancha, média chinois, elles seraient sensiblement supérieures, de 17,6 milliards de tonnes en 2007, avant donc la découverte de la mine de Kaiyang (Guizhou province), dont l’annonce a été faite en juillet 2017. Il précise cependant que sur ce total, les réserves en phosphates dont le pourcentage en pentoxyde de phosphore dépasse les 30% (celui qui est objet de valorisation industrielle) ne représentent que 1,6 milliard de tonnes.
En termes de production, la Chine est actuellement le premier producteur mondial, avec entre 80 et 100 millions de tonnes, production trois fois supérieure à celle du Maroc qui ne produit que 30 millions de tonnes, suivi des Etats-Unis (27,6 millions de tonnes), de la Russie (12,5 millions de tonnes), de la Jordanie (7,5 millions de tonnes), de l’Egypte (5,5 millions de tonnes), de la Tunisie (4 millions de tonnes), d’Israël (3,3 millions de tonnes), de l’Arabie Saoudite (3,3 millions de tonnes), de l’Afrique du Sud (2,2 millions de tonnes, du Sénégal (un million de tonnes), du Togo (un million de tonnes) et de la Syrie (750.000 tonnes).
Ces chiffres montrent clairement que les phosphates sont aujourd’hui une affaire qui concerne avant tout deux pays : le Maroc, premier en réserves et en exportation et la Chine, premier en production et deuxième en réserves.
Avec une production de près de 100 millions de tonnes, la Chine aura consommé l’ensemble de ses réserves en moins de 40 ans, ce qui constitue pour elle un souci majeur. Selon les statistiques disponibles, la production de la roche phosphate n’a cessé d’augmenter. Depuis le début du siècle, elle a plus que doublé pour atteindre 80,7 millions de tonnes en 2016. Son exportation a cependant tendance à stagner, sinon à diminuer : 358.000 tonnes en 2013 et 278.000 tonnes en 2016.
La production des acides quant à elle a augmenté avant de se stabiliser depuis 2015 : 17,1 millions de tonnes en 2013, 16,2 millions de tonnes en 2016. L’exportation d’acide continue cependant à progresser : 285.000 tonnes en 2013, 352.000 tonnes en 2016.
Les exportations d’engrais DAP et MAP varient d’une année sur l’autre avec cependant une tendance à l’augmentation. Pour le DAP, 2 millions de tonnes en 2015, 1,4 million de tonnes en 2016 et une tendance à l’augmentation en 2017 de plus de 10%. Pour le MAP, 1,2 million de tonnes en 2015, 0,6 million de tonnes en 2016 et, là aussi, une augmentation très prononcée en 2017, de quelques 54%.
Ainsi, les exportations chinois d’engrais phosphatés entrent de plus en plus en concurrence avec celles du Maroc et de l’Arabie Saoudite sur les grands marchés : australien, indien, brésilien, pakistanais, vietnamien et thaïlandais.
La caractéristique majeure de la structure de production des phosphates en Chine est le fait qu’un grand nombre d’entreprises interviennent dans l’exploitation de la matière première brute et dans sa valorisation en acide : une dizaine d’entreprises publiques et une multitude de producteurs privés travaillant de façon artisanale, voire informelle.
En matière de coûts de production et donc de compétitivité, la Chine est classée derrière les grands pays producteurs. L’Arabie Saoudite enregistre les coûts les plus faibles, suivie du Maroc, de la Russie, des Etats-Unis et enfin de la Chine.
La multiplication des petits producteurs est source de perturbations et de problèmes :
- Accumulation des excédents de production de 50 % pour les deux engrais : phosphate d’ammonium et phosphate de diammonium ;
- Surcapacité de production qui s’accroit et engendre, ce qui est logique, la baisse des prix au niveau international au détriment des autres pays producteurs, notamment du Maroc ;
- Approches et comportements différenciés et contradictoires du gouvernement central et des pouvoirs provinciaux et locaux ;
- Montée des risques de pollution qui constituent un danger pour l’environnement, et notamment pour les rivières, polluées par les sous-produits qui y sont déversés, notamment par le phosphogypse stocké illégalement.
Pour la Chine, il est primordial de réduire la production de phosphates étant donné tous les défis auxquels il lui faut faire face : la disparition des réserves dans moins de quatre décennies, l’accumulation des surcapacités et le risque de désastres écologiques. Les pouvoirs publics chinois doivent rationaliser et restructurer le système de production des phosphates et de leur revalorisation.
Le Maroc possède l’essentiel des réserves de phosphates dans le monde. Ces réserves sont situées dans quatre grands sites : Ouled Addoun (44% du total), Gantour (37%), Meskala (17%) et Boukraa (2%).
Une entreprise nationale, la plus grande du pays, l’OCP Group, a la charge depuis la découverte des premières mines en 1920 de l’extraction, de la revalorisation et de l’exportation des phosphates et de leurs dérivés en acides et en engrais. Elle détient une position de leader dans les échanges internationaux des phosphates puisqu’elle assure 28% des exportations mondiales sous toutes les formes. Avec une capacité de production de 32 millions de tonnes de la roche phosphate, l’OCP possèdent depuis 2017 une capacité de production de 12 millions de tonnes d’engrais dans les sites de transformation de Safi et surtout de Jorf Lasfar.
Le Maroc est devenu depuis plusieurs décennies le premier exportateur de phosphates bruts ou valorisés en acide et en engrais. Depuis les années 1960 jusqu’à la fin du XXème siècle, les productions en URSS (Russie) et aux Etats-Unis dépassaient les niveaux de production marocains et à côté de pays producteurs moyens, tels l’Algérie, la Tunisie, la Syrie, la Jordanie, le Sénégal, le Togo, l’Afrique du Sud et dernièrement l’Arabie Saoudite, entraient en concurrence avec les exportations marocaines.
L’OCP reste cependant dans une position de leader partout dans le monde. Ses ventes concernent aujourd’hui 90% des importations de l’Amérique du nord (Etats-Unis), 30% de l’Amérique du sud (Brésil), 25% de l’Asie du sud (Inde principalement), 38% de l’Europe, 36% de l’Océanie, 9% de l’Asie de l’est et 24% de l’Afrique. L’OCP a développé depuis trois décennies des partenariats industriels avec ses grands clients des pays émergents (Inde et Brésil) sous forme de joint-ventures permettant la valorisation des phosphates marocains aussi bien au Maroc que dans les pays d’accueil (voir en annexe les destinations des exportations de phosphates et dérivés du Maroc).
Grâce à ses réserves en phosphates, le royaume du Maroc peut contribuer au déclanchement d’une véritable révolution verte en Afrique comme les engrais marocains ont participé depuis plusieurs décennies à la révolution verte de l’Inde. A titre d’exemple, le rendement du manioc en Inde est aujourd’hui de 36 tonnes à l’ha, contre à peine 11 tonnes en Afrique. C’est ainsi que, dans le prolongement de son accompagnement de la filière agricole au Maroc, l’OCP a mis en place des caravanes agricoles au Sénégal et au Mali pour assurer la vulgarisation de l’utilisation des engrais et la formation des agriculteurs en la matière.
Le groupe a créé une filiale nouvelle, OCP Africa, pour piloter son développement dans le marché africain. Sa démarche vise à couvrir l’ensemble de la chaine de valeur, incluant la construction localement d’usines d’engrais, le développement de la capacité logistique de distribution, l’investissement dans la recherche pour le développement de formules adaptées aux besoins des sols et des cultures, une cartographie de la fertilité des sols africains et de leurs besoins en engrais.
Le groupe OCP a conçu « La Maison du Fermier » pour fédérer les acteurs du secteur agricole autour de l’ensemble des produits et services couvrant tous les segments de la chaine de valeur agricole. Il prévoit, à l’horizon 2020 d’ouvrir 10 Maisons du Fermier dans dix villes agricoles africaines et ce, pour toucher 1 million de familles d’agriculteurs.
L’OCP a mobilisé un investissement de 490 millions d’euros pour construire à Jorf Lasfar un complexe totalement dédié à l’Afrique (African Fertilizer Complex) qui doit produire 1,4 million de tonnes d’acide sulfurique, 450.000 tonnes d’acide phosphorique et 1 million de tonnes d’engrais.
Les besoins de l’Afrique pour promouvoir son agriculture sont immenses. Le continent n’intervient que pour 3% de la consommation mondiale d’engrais. Il est donc urgent que l’utilisation de ces derniers contribue au décollage de l’agriculture africaine. C’est par l’agriculture que notre continent pourra combattre la pauvreté, réussir son industrialisation, positiver son urbanisation et finalement enclencher l’élan nécessaire à son développement.
Dès 2014, l’OCP a conçu une approche de partenariat industriel devant contribuer à la promotion de l’agriculture africaine. Il a conclu avec le Gabon une convention visant à mettre en place des joint-ventures dans les deux pays pour produire des engrais en associant phosphates marocains et gaz gabonais.
Mais c’est avec le Nigéria et l’Ethiopie, deux géants démographiques en Afrique, que l’OCP a conclu les accords les plus importants devant déboucher sur le lancement d’un partenariat industriel au service de l’agriculture et de la cause alimentaire.
Avec le Nigéria (180 millions d’habitants aujourd’hui, 410 millions en 2030), l’OCP a entamé, en décembre 2016, une coopération prévoyant au départ de vendre à des fournisseurs nigérians des engrais DAP pour 3 millions de tonnes sur trois ans. Par ailleurs, un accord stratégique a été conclu entre le groupe Dangote et l’OCP pour la construction d’une plateforme de fabrication d’engrais au Nigéria et d’une usine d’acide phosphorique au Maroc dans une approche d’investissements croisés.
L’accord conclu entre l’OCP et l’Ethiopie (100 millions d’habitants) représentée par Chimical Industries Corporation doit se traduire par la construction d’un complexe de fabrication d’engrais pour un investissement de 3,7 milliards de dollars. Dans une première phase, un investissement de 2,4 milliards permettra la construction, à Dir Dawa (dans l’est du pays) d’une usine avec une capacité de production de 2,5 millions de tonnes d’engrais à l’horizon 2022, engrais produits à partir de la potasse et du gaz Ethiopiens et de l’acide phosphorique du groupe OCP.
Cette même année, l’OCP a conclu un accord de principe avec le Rwanda pour la construction d’une usine d’engrais de mélange (bulk blending) et a signé avec la Tanzanie Fertilizer Compagny – TFC un mémorandum d’entente dans le même sens.
III. Pour des partenariats triangulaires sur la question agroalimentaire en Afrique
L’Afrique pourrait devenir le point focal d’un partenariat original et vertueux entre la Chine, le Maroc et les pays africains, un partenariat de type triangulaire. L’objet de cette initiative tournera sur la promotion d’une révolution verte et la satisfaction des besoins alimentaires fondamentaux en Afrique. Faire avancer l’agriculture africaine, c’est avant tout contribuer à lutter contre la pauvreté, c’est permettre, dans une partie du monde rural, l’émergence d’excédents financiers pour alimenter l’industrialisation du continent et encadrer le mouvement de son urbanisation.
A partir de leurs atouts en matière de réserves et de production de phosphates, la Chine et le Maroc peuvent œuvrer ensemble pour vulgariser les instruments d’innovation agricole en Afrique.
Cette action que pourraient mener les deux pays doit les amener à développer une réflexion commune qui permettrait à la Chine de rationaliser et de restructurer sa production de phosphates, ce qui pourrait lui permettre de mieux conserver ses réserves, de maitriser les prix à la production et de lutter contre les risques de pollution destructrice de l’environnement naturel.
Les deux pays, l’un premier producteur, l’autre premier exportateur et surtout détenant des plus grandes réserves mondiales de phosphates, doivent travailler ensemble en toute responsabilité pour rationaliser et réguler la production de la matière première et sa valorisation. Une approche utile pour contribuer à résoudre la question alimentaire dans le monde, et notamment en Afrique. Une question devenue composante majeure de la mondialisation face aux défis nés de la progression démographique dans les décennies à venir, particulièrement d’origine africaine. Un partenariat centré autour de l’alimentation, besoin majeur de l’humanité. Un partenariat de nature triangulaire dans lequel le Maroc et la Chine peuvent se rencontrer en Afrique. Un partenariat d’essence vertueuse au service des deux pays et d’un continent qui sera de plus en plus le centre d’intérêt du monde et de l’humanité dans les décennies à venir.