Search form

Newsletters

Les atouts du Maroc dans le domaine de l'énergie verte

Laura El-Katiri | December 30, 2016

Le paysage énergétique du Maroc a connu une évolution rapide au cours des dernières décennies. La croissance démographique, l'industrialisation et la hausse du niveau de vie, qui se sont accompagnés d'une augmentation des taux d'accès à l'électricité, ainsi que de taux élevés d'exode rural, ont tous contribué à l'expansion des besoins énergétiques du Maroc. Étant voisin d'une Algérie riche en pétrole et en gaz à l'Est, et d'une Europe avide d'énergie au nord de la Méditerranée, le Maroc exportait traditionnellement des produits agricoles mais importait pratiquement toutes ses ressources énergétiques primaires, en l'absence de réserves pétrolières et gazières conséquentes.

Cette manière traditionnelle de s'assurer l'accès à l'énergie à faible coût a appuyé le modèle de développement socio-économique du Maroc pendant de nombreuses décennies, mais l'évolution de la situation et un certain nombre de faits nouveaux ont incité les décideurs marocains à revoir l'immense rôle que jouent les combustibles fossiles dans le mix énergétique du pays, notamment:

- la hausse du coût du pétrole et des produits pétroliers sur les marchés internationaux au cours des années 2000 et jusqu'au milieu de 2014, lorsque les cours mondiaux du pétrole se sont effondrés;

- le fardeau du budget et des taux de change qui résultent de l'importation de gros volumes de pétrole, en particulier sur les marchés internationaux;

- la baisse parallèle des coûts des technologies des énergies renouvelables, notamment le photovoltaïque solaire, l'énergie solaire concentrée (ESC) et l'énergie éolienne qui sont des ressources abondantes au Maroc.

Des mécanismes de financement externe, allant de pair avec des mesures d'incitation européennes et internationales dans le contexte de la promotion des technologies énergétiques réductrices des émissions et respectueuses du climat, avec l'idée d'un commerce inter-régional d'électricité - tel que relier “l'énergie du désert” de l'Afrique du nord à l'Europe du Sud - qui ont vu le jour au cours des années 2000 ont été les toutes premières pierres angulaires qui ont incité le Maroc à investir dans le premier et, à ce jour, le plus grand complexe de projets d'énergies renouvelables en Afrique du Nord.

Le Maroc possède des atouts indéniables, à savoir sa position géographique stratégique au carrefour de l'Europe, de l'Afrique du Nord et de l'Ouest, et du Moyen-Orient, sa stabilité politique et ses relations de longue durée avec l'Europe voisine, outre la taille de son marché national qui est l'un des plus grands marchés d'énergie en Afrique, et l'abondance de ses ressources énergétiques renouvelables, solaires et éoliennes, qui restent encore sous-exploitées. En tirant parti de ces atouts majeurs, le Maroc peut bénéficier d'une transition d'énergie propre à l'échelle nationale. Outre l'effet recherché de l'utilisation des ressources d'énergie renouvelable significatives du pays pour réduire les importations des combustibles fossiles et accroître la sécurité énergétique nationale en s'appuyant davantage sur l'énergie produite sur le territoire national, les énergies renouvelables peuvent également présenter d'autres avantages à long terme pour le Maroc, tels que la mise en place d'une industrie nationale de fabrication et de prestation de services qui pourrait offrir à l'avenir de précieux emplois aux jeunes Marocains.

1. Aperçu historique du marché énergétique national du Maroc

Cinquième marché énergétique de l'Afrique du Nord, le Maroc a connu une croissance considérable ces dernières années: entre 2002 et 2012, l'approvisionnement total en énergie primaire a augmenté de plus de 50% (Figure 1). Le statut du Maroc en tant que pays faisant partie de la tranche inférieure des pays à revenu intermédiaire reflète son profil énergétique. Avec un taux moyen d'utilisation de l'énergie par habitant (une mesure de l'énergie consommée) d'environ 560 kg d'équivalent pétrole, le Maroc n'est pas un grand consommateur d'énergie, du point de vue statistique. Toutefois, comme pour toutes les autres statistiques, l'interprétation de ces moyennes est une tâche qu'il faut mener avec précaution. Le Maroc se caractérise par de grandes disparités dans les niveaux de vie et dans les modes d'utilisation de l'énergie entre les centres urbains et le milieu rural, ainsi qu'entre ses nombreuses régions. Les grandes villes comme Casablanca, Marrakech, Rabat et Tanger connaissent une croissance rapide à mesure que les populations rurales migrent vers les zones urbaines, sachant que les pôles industriels situés le long de la côte atlantique et les zones touristiques des deux côtes du Maroc impliquent des besoins énergétiques très différents de ceux du milieu rural.

Figure 1. Approvisionnement total en énergie primaire au Maroc, 1973-2012

Source: Agence internationale de l'énergie (AIE, 2014)

Le Maroc a également connu une amélioration rapide de l'accès à l'électricité tout au long des années 1990 et 2000, lorsque le gouvernement a systématiquement élargi l'accès à l'électricité dans les zones rurales. Au cours de la période allant de 1996 à 2012, le Maroc a investi plus de 24 milliards de dirhams (2,9 milliards de dollars) dans l'électrification rurale, pour amener l'électricité moderne à un nombre estimé de 12 millions d'habitants dans plus de 39 000 villages, y compris par l'utilisation de sources autonomes d'énergies renouvelables et hybrides (El-Katiri, 2014b). La réussite du programme réside dans le fait que l'accès à l'électricité à travers le Maroc a considérablement augmenté au cours de cette période, passant de 22% en 1996 à environ 98% de la population vers la fin de 2012 (Figure 2).

Pour cette raison, les sources d'énergie combustible, à savoir la biomasse traditionnelle, continuent de jouer un rôle dans de nombreuses zones rurales, bien que l'accès à l'électricité de base soit maintenant disponible dans la plupart des contrées les plus reculées. Dans ce contexte, le Programme d'Électrification Rurale Global du Maroc (PERG) est une réussite exemplaire de l'électrification rurale, grâce notamment à l'utilisation des technologies des énergies renouvelables - là où les conditions s'y prêtent - pour alimenter les communautés locales qui se trouvent hors du réseau.

Figure 2. Taux d'électrification, 1990 – 2010

Source: Banque mondiale (2016

Le mix énergétique national du Maroc demeure fortement tributaire des combustibles fossiles, en particulier le pétrole. Le pétrole couvre plus des deux tiers des besoins du Maroc en énergie primaire, suivi du charbon (16%), et de la biomasse et des déchets (7%) (Figure 3). Le charbon vient en tête dans la production de l'électricité avec plus de 40% de la production totale, suivi par le pétrole et le gaz naturel (Figure 4). Une autre part de 15% de la production d'électricité revient aux sources d'énergie renouvelable, principalement les grandes centrales hydroélectriques, en raison du recours du Maroc, depuis longtemps, aux barrages pour la production d'une partie de son électricité. Les sources d'énergie renouvelable, principalement solaire et éolienne, ont récemment fait leur entrée sur le marché marocain et leurs apports aux besoins du pays en électricité sont en croissance. La production de l'électricité à partir des sources hydrauliques a presque doublé et l'énergie éolienne a triplé depuis 2002 (AIE, 2013b). La plupart des futurs projets d'énergie renouvelable seront probablement de type solaire ou éolien, étant donné que le Maroc a largement exploité son important potentiel hydroélectrique à pleine capacité

Figure 3. Approvisionnement total en énergie primaire (ATEP) au Maroc, 2012

Source: AIE (2014

Figure 4. Mix de la production d'électricité au Maroc (en %), 2012

Source: AIE (2014)

À l'instar de la Tunisie, le Maroc est atypique en Afrique du Nord dans la mesure où il ne dispose que de ressources très limitées de pétrole et de gaz. Étant situé dans le voisinage immédiat d'exportateurs d'énergie de longue date, à savoir l'Algérie, la Libye et l'Égypte, le Maroc dépend pour près de 90% de ses besoins énergétiques intérieurs des importations d'énergie, qui sont toutes des combustibles fossiles, ainsi que de l'électricité en provenance de l'Espagne (AIE, 2014). Le pétrole et le charbon sont généralement importés du marché international, et leurs prix fluctuent en fonction de l'évolution des cours mondiaux, en particulier pour le pétrole brut et les produits pétroliers. En 2014, le Maroc a importé plus de 11 milliards de dollars de produits énergétiques, ce qui représente environ 10% de son PIB nominal pour cette année-là (MF, 2016a).

L'adaptation au changement climatique et l'empreinte carbone du Maroc

Le Maroc est vulnérable aux modifications entraînées par le changement climatique qui ont une incidence sur les conditions météorologiques, les précipitations, la désertification, ainsi que sur la pollution de l'air et de l'eau en milieu urbain. Les données de l'AIE suggèrent “une nette progression du climat semi-aride vers le nord”, une tendance qui, selon l'Agence, va se détériorer au Maroc tout au long du XXIe siècle (AIE, 2014: 27, voir aussi le Ministère délégué auprès du Ministre de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, 2014; Département de l'Énergie, 2009). Les précipitations globales au Maroc se sont réduites de l'ordre de 3 à 30% ces dernières années, ce qui est en phase avec la fréquence accrue des sécheresses qui touchent plus particulièrement le secteur agricole du pays (AIE, Ibid.). Le Département de l'Énergie prévoit des sécheresses plus fréquentes à l'avenir dans les provinces du sud et de l'est, ainsi qu'un risque accru d'orages et de diminution de la neige dans les montagnes de l'Atlas. En outre, les mesures gouvernementales axées sur le climat offrent au Maroc l'opportunité d'obtenir le financement des technologies vertes par le biais de mécanismes tels que les fonds pour le climat.

En 1995, le Maroc a ratifié la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC-1992), et le Protocole de Kyoto en 2002. Il a également accueilli à Marrakech en 2001 la septième session de la Conférence des Parties (COP 7) qui a promulgué le Protocole de Kyoto. Lors des préparatifs de la précédente série des négociations, celle de la COP 21 à Paris en décembre 2015, le Maroc a été le premier pays arabe à avoir soumis ses CPDN (Contributions prévues déterminées au niveau national). Le rôle joué par le Maroc pour l'accueil de la COP 22 en novembre 2016 à Marrakech constituera sans aucun doute une autre occasion pour renforcer la place qu'occupe le Royaume, en contribuant à des négociations positives et constructives sur le changement climatique, et à la mise en place de politiques vertes et écologiques, sans danger pour le climat, y compris au niveau national.

Le mix énergétique du Maroc, à base de combustibles fossiles et allant de pair avec une hausse de la consommation d'énergie et d'électricité, a aboutit à une croissance rapide de l'empreinte carbone du pays au cours des dernières années (Figure 5).

Figure 5. Taux de croissance annuel composé des émissions de CO2 dans certains pays, 2002-2011.

.

Source: Auteure, d'après les données de la Banque mondiale (2016)

Bien qu'il affiche près de 1,74 tonne métrique par habitant, le Maroc se situe encore au plus bas de la fourchette, et ce constat reflète en grande partie les niveaux comparativement faibles de la consommation d'électricité par habitant. Le Royaume illustre parfaitement les défis auxquels sont confrontés les pays en développement à revenu intermédiaire pour se positionner dans les négociations mondiales sur le climat pour rendre équitables les préoccupations liées au changement climatique et les objectifs de développement nationaux.

2. Les opportunités énergétiques vertes du Maroc

Le potentiel énergétique renouvelable du Maroc est incontestablement considérable. Le pays dispose d'un potentiel non négligeable pour l'énergie solaire, avec des niveaux d'irradiation qui se situent à environ 2 300kWh/m2/an, en particulier au sud et l'est du pays. D'autre part, la côte atlantique du pays offre des vitesses de vent qui sont supérieures à 6 m/s (OCDE, 2013: 111, Société d'Investissements Énergétiques, 2016). Une étude menée par le Centre de Développement des Énergies Renouvelables (CDER) avec la GTZ indique que le potentiel éolien du Maroc s'élève à 5.290 TWh/an (2.645 GW), avec un potentiel technique de 3.264 TWh/an (1.632 GW) (OCDE, ibid; Voir également IRENA, 2013).

Le Maroc fait également partie d'une région qui s'avère, généralement, être l'une des zones les plus propices à la production de l'énergie solaire, en particulier l'ESC - tant en termes de ressources potentielles que de conditions géographiques, y compris “un ensoleillement abondant, de faibles précipitations, et de vastes étendues relativement plates et inutilisées, à proximité des réseaux routiers et des réseaux de transport d'électricité.” (FIC, 2009: 5). Faisant partie de l'Afrique du Nord, le Maroc se positionne stratégiquement aux carrefours des différents marchés régionaux entre l'Europe, l'intersection Maghreb-Mashreq, et l'Afrique subsaharienne. Le réseau électrique du Maroc, comme celui des pays voisins de l'Afrique du Nord tels que l'Algérie et la Tunisie, fonctionne déjà de façon synchrone et conforme aux normes européennes, facilitant ainsi le commerce de l'électricité entre les deux rives de la Méditerranée. En conséquence, le plan d'investissement du Fonds pour les technologies propres, destiné à l'Afrique du Nord, précise que:

“Aucune autre région ne dispose d’une telle combinaison favorable d’avantages physiques et de conditions de marché pour l’énergie solaire concentrée” (FIC, 2009: 3).

Une étude technique récente réalisée par l'Institut Fraunhofer confirme que le potentiel technique des énergies renouvelables de l'Afrique du Nord pour l'ensemble des années 2030 à 2050 dépasse considérablement la demande commune présumée pour l'électricité en Afrique du Nord et en Europe à l'horizon 2050 (2016: 8). Les données de Fraunhofer suggèrent en outre que l'éolien, l'ESC, et le solaire photovoltaïque combiné pourront couvrir l'intégralité des besoins d'électricité de l'Afrique du Nord tout au long de cette période (Fraunhofer, Ibid.). L'exploitation de ce potentiel, selon le modèle adopté dans l'étude, pourrait avoir des retombées économiques importantes à long terme pour la région de l'Afrique du Nord toute entière.

Figure 6. Rayonnement solaire horizontal global au Maroc (kWh/m2)

Source: Solargis

Les choix du Maroc en matière d'applications des énergies renouvelables sont d'une grande envergure. Le domaine de première priorité de l'élaboration des politiques marocaines est la production à vocation utilitaire, ou de service public. Le Maroc utilise d'ores et déjà les énergies renouvelables et se place actuellement au premier rang régional en termes de capacité installée pour l'électricité non hydroélectrique. À la fin de 2015, le Maroc disposait d'environ 800 MW de capacité de production installée pour l'énergie éolienne et solaire, soit la plus importante au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (Figure 7). La mise en service de la centrale thermo-solaire Noor I (ESC) à Ouarzazate au début de 2016 devrait permettre au pays d'accroître considérablement sa capacité, faisant du Maroc le premier producteur d'énergie éolienne et solaire en Afrique du Nord. La production totale d'électricité renouvelable au Maroc a fortement augmenté ces dernières années, et a doublé rien qu'entre 2012 et 2013 (Figure 8), avec une autre hausse considérable, prévue en 2015/2016 et au sujet de laquelle les données officielles ne sont pas encore disponibles.

Figure7. Capacité d'énergie renouvelable dans la région MENA, hors hydraulique, 2015

Source: Auteure, d'après les données d'IRENA (2016a)

Figure 8. Production d'électricité renouvelable (hors hydraulique) dans certaines économies arabes

Source: Auteure, d'après les données de la Banque mondiale (2016)

Installation à grande échelle

Le Maroc dispose de programmes ambitieux visant à exploiter de manière plus systématique les sources d'énergie renouvelable, dans le cadre des plans Étatiques ayant pour objectif de réduire la dépendance du pays vis-à-vis des combustibles fossiles importés des marchés internationaux. Les plans officiels portent, entre autres, sur l'installation d'une puissance éolienne de 2 GW et d'une capacité de production d'énergie solaire de 2 GW à l'horizon 2020, ce qui portera la part des énergies renouvelables dans la production d'énergie à plus de 40% du mix énergétique global (Ministère délégué auprès du Ministre de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, 2014) et consolidera la position régionale du Maroc en tant que leader dans le domaine de la production des énergies renouvelables dans la région MENA. En outre, la soumission du Maroc de ses CPDN à la CCNUCC aborde l'objectif visant à atteindre 50% de la capacité de production d'électricité installée à partir de sources renouvelables à l'horizon 2025 (Royaume du Maroc/CCNUCC 2015).

Dans ce contexte, la technologie ESC joue un rôle particulièrement important, dans la mesure où le Maroc et l'Afrique du Nord offrent pour l'ESC un emplacement hautement compétitif au niveau mondial (FIC, 2009; Fraunhofer, 2016). Dans le même ordre d'idées, les investissements à grande échelle dans l'ESC au niveau des services publics pourraient présenter des avantages non seulement pour la technologie ESC en Afrique du Nord, mais plus généralement pour contribuer à l'accélération du déploiement mondial de l'ESC, ce qui est susceptible de réduire les coûts technologiques grâce aux économies d'échelle et aux effets d'apprentissage. Le plan d'investissement du Fonds pour les technologies propres de la Banque mondiale au titre de l'année 2009 reconnaît expressément ce potentiel en Afrique du Nord et ses apports considérables dont l'importance s'étend au-delà de la région:

“Le solaire thermique concentré est une technologie particulièrement intéressante pour les utilités électriques, mais les économies d’échelle restent encore sous-exploitées. L'énergie thermo-solaire concentrée est une technologie à grande échelle qui a fait ses preuves et qui s'intègre facilement dans les systèmes électriques classiques basés sur un dispatching centralisé des centrales électriques. Cette technologie relativement simple nécessite peu de matériaux coûteux ou de composants brevetés. Si la demande pour le CSP augmente, il en résultera probablement une baisse très nette des coûts d'investissement; en effet, le secteur n'a pas encore bénéficié des baisses de coûts qui suivent souvent la mise en production à l'échelle industrielle.” (FIC, 2009: 3)

Ces arguments ont également joué un rôle dans l'attribution de ressources financières substantielles aux projets de l'ESC au Maroc par le biais du Fonds des technologies propres, bien que ce financement demeure en deçà du potentiel du Maroc. Pour optimiser ce potentiel marocain, il est nécessaire de mettre en place une politique proactive supplémentaire qui consiste à tirer parti de cet atout précisément, en veillant à ce que le financement extérieur octroyé au Maroc serve d'exemple de réussite avérée pour les applications de l'ESC, et d'inducteur de réduction des coûts pour cette technologie.

Systèmes en toiture

Un autre domaine du déploiement des énergies renouvelables au Maroc, bien qu'il ne soit pas encore exploré, réside dans l'utilisation du PV solaire sous forme d'installations sur les toits - tant pour la production d'électricité que pour le chauffage solaire de l'eau. Les ressources solaires marocaines sont abondantes et adaptées au PV solaire, de même que la technologie pour les installations en toiture est aisément accessible et pourrait ainsi faire réussir les programmes de promotion du solaire en toiture, comme en témoigne l'utilisation en Europe, par exemple. Ces programmes peuvent être répliqués dans le contexte marocain et utilisés dans les zones aussi bien urbaines que rurales. Des programmes d'aide financière, sous forme de prêts publics et d'assistance technologique aux communautés rurales, pourraient faire en sorte que l'investissement initial soit abordable pour la classe moyenne au Maroc, et rendre ainsi le programme réalisable sur le plan quantitatif.

La forte accession à la propriété au Maroc, y compris parmi les ménages à faible revenu et en milieu rural, signifie que les structures incitatives pour les tarifs de rachat garantis (TRG) pourraient être fortes - avec un régime de prêt à portée de main et des TRG destinés aux ménages qui alimentent le réseau public avec l'excédent de leur production d'électricité. De plus, en raison de l'intensité du rayonnement solaire qui est considérablement plus élevée au Maroc qu'en Allemagne, le solaire en toiture au Maroc pourrait s'avérer économiquement rentable à long terme pour de nombreux ménages. À leur tour, les ménages à faible revenu peuvent être encouragés à installer des panneaux solaires sur le toit, en instaurant des prêts adaptés à leur faible revenu - avec des perspectives réalistes qui permettent aux ménages de récupérer leurs investissements initiaux au fil du temps, grâce à des primes TRG et au coût peu élevé de l'électricité.

Les tarifs de l'électricité en cours au Maroc sont assez élevés par rapport à ceux en usage dans la région MENA, soit des taux de l'ordre de 0,122 USD/kWh, appliqués en 2013 à la consommation intermédiaire, et 0,167 USD/kWh aux tranches supérieures de la consommation. Ces chiffres sont comparables aux tarifs de l'électricité à moindre coût en Europe. Avec de tels tarifs, les économies que l'on peut réaliser sur les factures d'électricité, grâce à la diminution de la consommation provenant du réseau et à la vente de la production excédentaire au réseau de distribution d'électricité, pourraient constituer une solution de rechange viable à la pratique actuelle, même pour les ménages marocains à faible revenu. En outre, le taux élevé d'utilisation des installations photovoltaïques en toiture peut contribuer, comme dans le cas de l'Allemagne, à la réalisation des objectifs nationaux, tels que cela s'est articulé autour des CPDN marocaines qui ont été soumises à la CCNUCC en décembre 2015, notamment pour ce qui est de renforcer la capacité de production des énergies renouvelables dans la perspective d'atteindre 50% de la production d'électricité au Royaume à l'horizon 2025.

Les opportunités du système électrique hors-réseau

L'énergie solaire et hydroélectrique à petite échelle offre un énorme potentiel au Maroc pour résoudre le problème de l'accès à l'électricité dans les zones reculées non reliées au réseau principal. Depuis les années 1990, le Programme d'Électrification Rurale Global (PERG) a réalisé d'immenses résultats en fournissant l'accès à l'électricité aux communautés rurales privées de la connexion aux réseaux principaux du pays (El-Katiri, 2014a, b). Le PERG a été mis en œuvre en tenant compte du choix de solutions fondées sur la configuration des localités, c'est à dire que le programme a examiné les conditions locales pour évaluer la viabilité des solutions alternatives, telles que les générateurs photovoltaïques, les petites turbines hydroélectriques, les éoliennes, les générateurs diesel, et les systèmes hybrides. Sur une période de 15 ans, plus de 35.000 villages et quelque 1,9 million de foyers ruraux ont bénéficié de l'accès à l'électricité, ce qui a augmenté considérablement les taux d'électrification rurale de 18% en 1996 à 97% en 2009 (Agence Française de Développement, 2013).

Les énergies solaires, éoliennes et hydroélectriques apportent de véritables avantages aux communautés rurales, par rapport à la dépendance exclusive vis-à-vis des carburants classiques, car la source d'énergie elle-même est indépendante de l'accès aux routes de transport, et donc de l'aide extérieure. Les travaux qui accompagnaient des projets similaires en Jordanie ont révélé que de nombreuses communautés rurales se sont réjouies de la mise en place de générateurs photovoltaïques plus propres et nécessitant apparemment peu d'entretien, ce qui a permis d'éviter les coûts d'exploitation liés au carburant diesel (Al-Soud et Hrayshat 2004: 593).

Un avantage supplémentaire des systèmes autonomes des énergies renouvelables réside dans la possibilité de dispenser une formation en installation et en maintenance aux habitants des communautés locales, les aidant ainsi à acquérir de nouvelles compétences et à assurer l'entretien de leurs équipements. Certes, les diverses énergies renouvelables telles que l'énergie éolienne et solaire ont des limites, et plus précisément leur manque de couverture 24 heures sur 24. Les systèmes hybrides utilisant des générateurs diesel comme solution de secours ont constitué la principale mesure prise en ce sens dans le cadre du PERG, c'est à dire utiliser l'énergie solaire et éolienne autant que possible, et ne recourir aux carburants conventionnels que lorsque cela est nécessaire. Pour les communautés rurales en particulier, il y aurait également beaucoup de potentiel au Maroc en matière de recherche et de développement (R&D). Il s'agira d'explorer des modes plus économiques pour le stockage de l'électricité, y compris de mini-réseaux villageois qui fonctionnent sur la base de l'énergie solaire concentrée.

La création d'emplois verts

La diversification des énergies renouvelables et de la R&D y afférente pourrait tout aussi contribuer à promouvoir le Maroc en tant que pôle énergétique «vert» régional, avec des perspectives de création de liens de collaboration avec l'Europe au Nord et l'Afrique subsaharienne au Sud. Pour promouvoir et coordonner l'activité nationale dans le domaine de la R&D, le Maroc a créé en 2011 une institution distincte, en l'occurrence l'Institut de Recherche en Énergie Solaire et en Énergies Nouvelles (IRESEN). D'autre part, le Centre de Compétence Changement Climatique du Maroc (4C Maroc) a été créé plus récemment, en tant qu'institution spécialisée dont la principale vocation consiste à jouer le rôle de plate-forme pour le renforcement des capacités et l'échange d'informations pour élaborer les plans climatiques du Maroc. Ces structures offrent donc un potentiel de collaboration avec les pays voisins. En outre, ce paysage institutionnel axé sur l'énergie propre et l'atténuation des effets des changements climatiques est déjà unique à l'échelle de l'Afrique, aussi bien du Nord que subsaharienne, mais il devra être à présent soutenu par le renforcement des capacités et par des plans d'action.

La démographie du Maroc est généralement favorable à la réalisation de l'objectif de l'utilisation des énergies renouvelables au service de la chaîne de valeur locale et de la création d'emplois. La population du pays qui se chiffre à plus de 33,8 millions d'habitants est essentiellement jeune, avec environ 45% de moins de 25 ans (Haut-Commissariat au Plan, 2016). Les activités de recherche et de développement seraient donc réalisables pour des raisons pratiques, comme ce serait le cas, en principe, de la fabrication industrielle, compte tenu de la disponibilité d'une main-d'œuvre marocaine, avec différents niveaux de qualification, pour répondre aux besoins de ces activités industrielles. On peut s'attendre aussi à des retombées du déploiement systématique des énergies renouvelables pour des secteurs connexes au Maroc, tels que la construction, le transport, la recherche, et le secteur des services (Marktanner et Salman, 2011; El-Katiri, 2014a).

Selon les estimations d'IRENA, l'ensemble de la région de l'Afrique du Nord pourrait disposer d'un potentiel d'environ 16.000 emplois dans le secteur des énergies renouvelables (2016: 11). Il s'agit là de perspectives assez optimistes, étant donné le potentiel relativement faible de la création d'emplois au niveau local dans le domaine des sources d'énergie classiques. Une étude antérieure de la Banque mondiale a placé le potentiel de création d'emplois à un niveau bien plus élevé, soit environ 50.000 nouveaux emplois locaux à l'horizon de l'an 2025, rien que pour la fabrication des composants de l'ESC à elle seule, couvrant cinq économies de la région MENA: le Maroc, l'Algérie, l'Égypte, la Tunisie, et la Jordanie (Banque mondiale / ESMAP, 2011).

3. Optimiser les opportunités

Financement. Pour utiliser au mieux ces ressources et saisir l'immense opportunité dont jouit le Royaume en matière d'énergie verte, en particulier dans le domaine de l'énergie solaire concentrée, le Maroc devra faire preuve de davantage d'orientation politique vers ce domaine et œuvrer sans relâche pour tirer parti des options de financement, y compris de sources étrangères. Un des principaux domaines prioritaires consiste à mettre en place des mécanismes de financement suffisants pour le Maroc qui recèle un potentiel immense des énergies renouvelables, en particulier dans le domaine de l'ESC à grande échelle, dans la perspective de réduire ainsi les coûts technologiques à l'échelle mondiale, mais pourvu que le Royaume parvienne à étendre son déploiement de l'ESC d'une manière qui soit à la hauteur de son potentiel.

Parallèlement à d'autres mesures transitoires en faveur de l'énergie propre, une importante source possible de financement du programme énergétique vert marocain pourrait provenir du Fonds Vert pour le Climat (FVC) qui a été mis en place par les parties à la CCNUCC lors de la COP 16 à Cancún en 2010. L'Accord de Paris, adopté par 196 parties à la CCNUCC à Paris en décembre 2015, a reconnu l'importance des ressources financières adéquates et prévisibles pour permettre aux pays en développement de mettre en œuvre des programmes d'atténuation et d'adaptation au changement climatique (CCNUCC, 2016a). Tout aussi important, la COP 21 a également mis l'accent sur une série d'activités liées au climat qui pourraient contribuer au renforcement de l'engagement du Maroc en faveur d'un développement plus vert, y compris la lutte contre le déboisement et la dégradation des forêts, la gestion de la conservation, et la coordination du soutien provenant de sources privées, publiques, bilatérales et multilatérales (CCNUCC, Ibid.).

Le développement des énergies propres au Maroc pourrait aussi tirer parti d'autres possibilités de financement externes. À cet égard, le Mécanisme pour un développement propre (MDP) est une source potentielle de financement, instaurée en vertu de l'article 12 du Protocole de Kyoto pour aider spécifiquement les pays en développement à réduire leurs émissions en tenant compte des objectifs de Kyoto que ces pays déterminent. Le MDP est également la principale source de financement du Fonds d'adaptation (AF) qui relève du Protocole de Kyoto et qui vise à aider les pays particulièrement vulnérables aux effets négatifs du changement climatique (CCNUCC, 2014). Le seul problème réside dans le fait que le MDP ne couvre qu'une partie de l'investissement global requis, soit environ 10%, et exige une expertise particulière (Hafner et Tagliapietra, 2013).

Renforcement des capacités. Outre les besoins financiers, le Maroc doit faire face à toute une série d'autres défis, tels que le renforcement des capacités institutionnelles. Un facteur clé pour mettre à profit le potentiel écologique du Maroc dans le paysage institutionnel du pays consistera désormais à attribuer des mandats clairs et précis, et à instaurer un mécanisme réceptif de consultation, de gestion et de mise en œuvre d'un cadre législatif propice à la création d'industries innovantes et à la promotion de la R&D. Dans ce contexte, le secteur privé jouera un rôle essentiel qui s'étend à la fabrication, au financement des projets, à l'installation, à l'exploitation, mais aussi à la recherche technologique. La gestion de cette transition complexe imposera aux nombreuses institutions de collaborer dans la transparence pour veiller à ce que les décisions d'investissement soient crédibles et conformes au principe de la redevabilité quant à la façon dont les fonds publics et les investissements étrangers sont injectés dans de nouveaux projets.

Commerce interrégional de l'énergie propre. Dans le contexte nord-africain, le Maroc peut également se présenter comme partenaire commercial incontournable de l'Europe, eu égard à sa stabilité politique. Ayant été largement épargné par le bouleversement politique qu'ont connu d'autres parties de l'Afrique du Nord depuis le début des soulèvements du Printemps arabe en Tunisie, et plus tard en Égypte et en Libye, le Maroc entretient des relations politiques étroites avec les pays membres de l'UE. Les accords commerciaux avec l'Europe existent dans d'autres domaines, tels que l'agriculture et le textile qui sont fondés principalement sur la même logique qui pourrait servir de base aux futurs accords éventuels sur l'énergie solaire, c'est à dire la production à moindre coût au Maroc, commercialisée dans l'Union européenne pour réduire les coûts à destination des clients européens également.

Malgré les difficultés du passé, il demeure que l'énergie éolienne et solaire nord-africaine - y compris marocaine - dispose d'avantages concurrentiels par rapport à ce qui se fait en Europe. L'OCDE confirme que l'intensité solaire dans la plupart des pays de la région MENA est supérieure à celle de la France (OCDE, 2013: 46). Selon les données du DLR (Centre allemand pour l'aéronautique et l'aérospatiale), le potentiel technique marocain pour la production de l'électricité thermo-solaire, soit 20.151 TWh/an, est douze fois supérieur au potentiel technique de l'Espagne et 46 fois à celui du Portugal. En effet, le potentiel économique du Maroc à raison d'un rayonnement direct normal (DNI) qui dépasse les 2.000 kWh/m2/an est, conjointement à 20.146 TWh/an, presque aussi élevé que son potentiel technique (DLR, 2005). Les taux de DNI au Maroc sont supérieurs d'environ 18% à ceux de l'Espagne (DLR, Ibid.), offrant au Maroc un avantage économique par rapport à l'Europe du Sud en ce qui concerne le potentiel de l'ESC plus particulièrement.

Pour faciliter les échanges, le Maroc n'a pas seulement besoin d'un financement des investissements propres, mais aussi, et peut-être en premier lieu, d'un accès égal aux marchés européens des services des infrastructures électriques. Cependant, ce n'est pas le cas aujourd'hui, car la poursuite de politiques européennes, telles que l'octroi de subventions à leurs producteurs nationaux des énergies renouvelables, protègent les marchés européens d'une concurrence potentielle en provenance de marchés extérieurs tels que l'Afrique du Nord qui peut offrir des services à moindres coûts. Au cours de la décennie à venir, la possibilité pour l'Europe d'ouvrir son marché à l'énergie propre de l'Afrique du Nord, dans le cadre de son engagement, par exemple, en vertu des principes de la CCNUCC et des dispositions de l'Accord de Paris visant à réduire l'empreinte carbone de l'UE, pourrait constituer une incitation majeure à l'investissement dans les énergies propres dans cette zone, que ce soit avec ou sans les prêts financiers et les autres programmes d'aide. La poursuite systématique de ce type d'investissements à l'avenir pourrait ainsi servir les engagements tant européens que marocains dans le domaine du climat et des énergies vertes.