Du mouvement associatif marocain : le récit et le sens
L’objet de la présente étude est d’essayer d’explorer les trajectoires du mouvement associatif marocain. Celles-ci peuvent permettre d’en dégager les caractéristiques principales. Cette histoire ne peut être saisie de manière exhaustive en dépit de l’existence d’une importante littérature monographique, historienne, anthropologique, sociologique, voire conceptuelle, méthodologique ou théorique. En l’état actuel, elle reste inconstante, dispersée, orale, diversement contée par ses acteurs, présentée par bribes, par vagues, par fragments d’expériences vécues çà et là par des acteurs souvent trop situés, à partir d’angles particuliers, ayant adopté aujourd’hui une variété d’attitudes : quelques-uns s’y sont définitivement incrustés et s’y régénèrent sans cesse, certains d’entre eux ont pris parfois leurs distances par rapport à l’action associative, voire par rapport à l’action tout court, d’autres se sont réfugiés dans d’autres militances. Selon les cas, la mémoire s’affaiblit ou s’évapore, et le projet d’élaborer une histoire du mouvement associatif en devient plus complexe, plus difficile et plus urgent.
Encore qu’il faille dissocier l’histoire des organisations associatives des parcours d’individuels d’hommes ou de femmes, dont le nom est resté lié à une dimension importante de l’expérience associative dans le pays ou au sein de diasporas, élites associatives nationales ou internationalisées : il y a ceux qui ont joué le rôle de pionniers, les héritiers immédiats, ceux présentant en général un profil de concepteurs, des individualités ayant acquis des compétences dans la mobilisation des ressources, la planification stratégique, le plaidoyer… Quand ces personnages, fondateurs, héritiers ou descendants viennent à disparaitre, les parcours des associatifs semblent connaître comme des temps morts, d’autant plus que la tendance dominante a été pendant longtemps, et reste peut-être encore, orientée vers le soutien non à des structures anonymes, car naissantes, mais à des personnes. Nombre d’associations sont nées et ont disparu depuis. Une longue liste d’associations éteintes peut être dressée aux différentes étapes, selon les contextes (Amale, ADL Herzenni, Adrar, Tichka…). Deux éléments d’explication émergent : soit que l’expérience associative est par nature fortement personnalisée. Soit qu’elle est tributaire de sources de financement aujourd’hui taries, sans oublier le lien pouvant exister entre les personnes et les financements. Aussi le risque est grand chaque fois de projeter un regard alimenté d’histoires vécues par des acteurs intéressés et influencées par le contexte.