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« Que signifient les élections aux Etats-Unis pour l’Atlantique élargi ?»

Press Release | December 12, 2020

Les « AD Talks », édition spéciale en ligne de la conférence Atlantic Dialogues, se sont poursuivis le 9 décembre avec une session sur le thème suivant : « Que signifient les élections aux Etats-Unis pour l’Atlantique élargi ? ». Le débat, modéré par Kidane Kiros, Senior Fellow, Policy Center for the New South, a porté sur les perspectives qu’ouvrent la dernière présidentielle américaine, à la fois sur l’isolationnisme des Etats-Unis, les priorités de la nouvelle administration Joe Biden, et les relations que pourront tisser les pays de l’Atlantique avec la première puissance mondiale. 

Len Ishmael, Senior Fellow du German Marshall Fund of the United States et du Policy Center for the New South, a entamé la discussion en revenant sur le bassin atlantique : « Si nous devions dresser la carte du trafic commercial atlantique, on verrait beaucoup de liens Nord-Sud, mais très peu Est-Ouest. Cette anomalie fait que même dans la recherche, des collègues de l’Atlantique sud ne se connaissent pas. L’Atlantique élargi comporte une grande série de pays, qui vont d’une super-puissance mondiale à de petites îles dans les Antilles, dont Haïti, l’un des pays les plus pauvres du monde. D’anciens colonisés côtoient d’anciens colons, dans des relations non symétriques ».

 

 

Compte tenu de tous ces intérêts divergents, l’élection américaine donne des « raisons d’espérer à l’Europe, dans la mesure où la relation transatlantique peut être réparée, et les alliés se voir traités en amis, des partenaires avec lesquels coopérer pour contrer la Chine ». Outre l’Otan et la « reconstruction de l’OMC », les questions du changement climatique et de la confrontation avec la Chine vont prendre une autre tournure.

Sur la crise Covid, les Etats-Unis « n’ont pas montré le leadership que l’on pouvait attendre, et un besoin urgent d’une diplomatie active se fait jour pour secourir le Vénézuela. De manière générale, le contrôle de la pandémie dépendra aussi de la coopération entre les Etats-Unis et les pays en développement les plus impactés ».  En somme, a résumé Len Ishmael, « l’Amérique va être de retour ».

Un « ré-engagement agressif » de la diplomatie américaine

Reta Jo Lewis, Senior Fellow et directrice des « Affaires du Congrès » au German Marshall Fund of the United States, a estimé que les conséquences de l’élection présidentielle « semblent très bonnes ». Elle pointe le fait que Joe Biden et le Congrès sont « des amis de longue date de l’hémisphère Ouest et de l’Afrique ». Tout le monde s’accorde à dire qu’il est « temps d’un ré-engagement agressif » dans la politique extérieure, « même s’il persiste un courant isolationniste au sein de l’opinion américaine, en raison des frustrations engendrées par les campagnes militaires en Irak et en Afghanistan. De la colère s’est accumulée avec le ressentiment racial et le racisme structurel. Tout ceci va dans la direction de « l’Amérique d’abord ». Une étude récente, cependant, montre que 35 % des Américains pensent que la globalisation a été mauvaise ».

La priorité pour la nouvelle administration Joe Biden sera de « contrôler le Covid et les vaccins, et de travailler sur les conséquences économiques de la pandémie ». Un travail « dur devra être fait pour tourner la page de la période d’isolation » que viennent de traverser les Etats-Unis, tandis que « l’opinion de l’électeur américain sera un facteur majeur dans la définition de la politique extérieure ». Joe Biden s’est entouré de « multilatéralistes convaincus, dont Antony Blinken, futur Secrétaire d’Etat, et Linda Thomas-Greenfield, nommée ambassadrice à l’Onu. Il croit fermement dans les alliances et les institutions multilatérales, et a nommé un ancien Secrétaire d’Etat comme envoyé spécial sur le climat ».

 

 

Sur l’Afrique, la politique de Joe Biden sera « basée sur le respect et la confiance, de même que la nécessité de travailler avec les institutions régionales comme l’Union africaine. Son équipe offrira des conseils sur la manière de poursuivre une politique d’engagement qui se fera avec le secteur privé aussi ».

 

L’âge de la désinformation

Les « AD Talks », édition spéciale en ligne de la conférence Atlantic Dialogues, se sont poursuivis le 10 décembre avec une session sur le thème suivant : « L’âge de la désinformation ». Le débat, modéré par Blair Glencorse, Directeur exécutif, Accountability Lab, a porté sur l’impact des fake news sur la démocratie, la pandémie de Covid-19 et la production d’informations.

Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques, en France, a ouvert la discussion en estimant que la désinformation, en tant que « volonté de tromper le public », représente une « attaque contre la démocratie ». « La désinformation n’est pas nouvelle, mais ce qui l’est, c’est plutôt l’essor de l’opinion publique dans le domaine de la géopolitique et l’impact des réseaux sociaux. La désinformation n’est pas le fait de complotistes ou de personnages douteux, elle est aussi pratiquée par les gouvernements. Rappelons les soi-disant armes de destruction massive qui ont légitimé la guerre contre l’Irak en 2002. La porte-parole du gouvernement français en mars dernier a affirmé que les masques étaient inutiles face au Covid-19. Mieux aurait valu dire qu’ils n’étaient pas disponibles pour l’instant ! Les mensonges des gouvernements nourrissent les fausses nouvelles et les critiques en général des autorités ».

 

 

Lorsque le débat a touché au populisme et à la méfiance à l’égard des élites, Pascal Boniface a remarqué qu’en France, « l’élite ne change pas, elle a toujours le même réflexe de regarder de haut les gens, qui sont pourtant plus informés. Pour réparer la démocratie, il faudra que l’élite se répare elle-même ».

Andres Schipani, correspondant du Financial Times en Afrique de l’Est et centrale, a donné un exemple récent des entraves à l’information : « le gouvernement éthiopien a isolé la région du Tigré dans le nord, en coupant non seulement Internet, mais aussi en n’autorisant pas de journalistes. Une énorme guerre des mots a eu lieu entre les deux parties, le gouvernement et l’opposition tigréenne ».

Revenant sur le populisme et l’usage de fausses informations, il a rappelé qu’au Brésil, où il était en poste auparavant, « Bolsonaro a fait campagne sur la défiance à l’égard des élites, et a été élu. Ensuite, il est revenu aux vieilles politiques qui s’appuient sur les élites. Il en va de même avec Trump et le Brexit. Les élites ne représentent pas le peuple, mais les nouveaux perturbateurs que sont les populistes non plus ». Le fait de laisser les gens voter en étant mal informés « revient à les priver de leur droit de vote. Voter sur la base de messages envoyés sur WhatsApp que personne ne prend la peine de vérifier, c’est un problème. Nous en sommes tous responsables ». Lorsqu’il s’est agi d’évoquer des solutions, Andrès Schipani a estimé qu’il fallait que le journalisme se poursuive dans les mêmes exigences : écouter toutes les parties prenantes et vérifier les faits.

 

 

Bushra Ebadi (Canada, Afghanistan), jeune ambassadrice de l’Alliance globale pour les partenariats sur les médias et la lecture de l’information (GAPMIL), une émanation de l’Unesco, a rappelé que « l’alphabétisation n’est pas seulement de savoir lire et écrire, mais aussi analyser l’information. Notre compréhension de l’alphabétisme est colonisée : nous oublions que dans certaines sociétés, le savoir repose sur la culture orale. La mésinformation peut souvent venir du fait que les nouvelles ne soient pas délivrées dans les langues maternelles, dans bien des pays. Il existe autour de l’information tout un écosystème dans lequel certaines catégories de population sont sur-représentées. La méfiance vient aussi du fait que les gens ne se sentent pas reflétés ». Par ailleurs, a-t-elle pointé, il existe une « surabondance d’acteurs qui se revendiquent journalistes, sans pour autant délivrer de l’information de qualité ».

 

 

Sur les solutions à mettre en valeur, elle a cité le soutien aux « médias autochtones » dans certaines régions du monde, et l’alphabétisation des gens, surtout dans les communautés marginalisées, « en tant que consommateurs et producteurs de l’information ».

 

Covid-19 et commerce international

Les « AD Talks », édition spéciale en ligne de la conférence Atlantic Dialogues, se sont poursuivis le 11 décembre avec une session sur « Covid-19 et commerce international ». Le débat, modéré par l’économiste Uri Dadush, Senior Fellow, Policy Center for the New South, a porté sur les disruptions des chaînes d’approvisionnement en équipements médicaux, les conséquences économiques de la crise Covid-19, et le meilleur moyen de se préparer à la prochaine pandémie. 

Dans son mot d’ouverture, Anabel Gonzalez, ancienne ministre du Commerce extérieur du Costa Rica, a explique que « l’Amérique latine a été la région du monde la plus touchée, avec une baisse de 16 % des exportations au premier semestre 2020. Le fait que le virus soit arrivé un peu plus tard que dans les pays avancés a avantagé la région, qui était prête à importer les équipements médicaux nécessaires ».

 

 

Anabel Gonzalez reste sceptique quant à la reconstruction d’industries nationales en vue d’une auto-suffisance dans les produits et équipements médicaux ? « Renforcer la capacité des manufactures devrait être fait à travers le monde, mais pour bien des pays, le seul moyen de fournir les services de santé à leurs citoyens consiste à s’appuyer sur les capacités manufacturirères d’autres pays. De quoi aurons-nous besoin durant la prochaine pandémie ? Nous ne le savons pas. Voilà pourquoi nous avons besoin d’un cadre international sur le commerce et la santé, qui nous assure de pouvoir approvisionner les personnes se trouvant dans le plus grand besoin, sans laisser personne en chemin ».  La globalisation, à son avis, s’est révélée « très résiliente, en allant vers l’économie digitale ».

 

Laoye Jaiyeola, PDG du Nigerian Economic Summit Group, une organisation qui jette des ponts entre le secteur privé et les décideurs politiques au Nigeria, a rappelé que son pays « était déjà touché par la baisse des cours du pétrole lorsque la crise Covid-19 est venue exacerber les difficultés économiques. Le pays a connu des problèmes d’approvisionnement en équipements médicaux. Les restrictions sur les vols et la fermeture des frontières ont impacté le commerce et fait que les gens sont restés assis là où ils étaient. Le confinement a affecté les gens, et la situation a contraint nos chercheurs à travailler au remplacement des importations par la production intérieure. La conscience s’est accrue, de la nécessité de produire nous-mêmes nos équipements médicaux ». 

 

 

Alors que les vaccins doivent commencer à être distribués en janvier au Nigeria, le meilleur moyen de se préparer à la prochaine pandémie consiste à « renforcer nos agences de coordination, et à anticiper sur un plan de collaboration avec le reste du monde, de manière à limiter l’impact de la crise ». La globalisation, très critiquée par les Nigerians, qui « pensent que seuls les dix personnes les plus riches du monde en ont tiré profit, alors que les gens ordinaires ont perdu leur travail et leurs espoirs, est là pour durer. On ne peut pas penser en termes de « soit la globalisation, soit autre chose ». Il faut s’assurer que la globalisation tienne compte des plus vulnérables, sans quoi elle sera plus durement attaquée ».

 

 

Andrea Richter-Garry, vice-présidente pour l’Engagement international de l’Indiana Economic Development Corporation, a rappelé que l’Etat de l’Indiana est très industrialisé, avec « 1 personne sur 5 employée dans le secteur manufacturier », et a donc été frappé par la baisse des exportations. Sur la préparation à la prochaine pandémie, elle estime qu’anticiper sur des plans à long-terme s’avère nécessaire, en comptant sur les réserves budgétaires disponibles, tout en mettant « un fort accent sur les politiques de formation de la main-d’œuvre ».