L’européanisation de la présence française au Sahel : Emmanuel Macron veut capitaliser sur le Sommet de Pau
Six mois après la remise en question de la présence française au Sahel et l’engagement pris pour accélérer les efforts de lutte contre le terrorisme dans la région, la France, principale puissance impliquée dans la région, rencontre ses partenaires africains pour un point d’étape et lance un message fort à la communauté internationale : là où la France s’engagera, l’Europe s’engagera aussi.
Le Président Emmanuel Macron a relevé la montée en gamme des armées locales et les récents développements positifs enregistrés dans la région, marquée notamment par des victoires dans la zone des trois frontières et couronnée par l’exécution par l’armée française avec l’aide de partenaires locaux d’Abdelmalek Droukdel, chef d’Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI). Mais au-delà des réjouissances, le Sahel demeure encore en proie à de grandes difficultés et à la menace terroriste, l’instabilité politique et l’incertitude lié à la pandémie du COVID-19 fragilise des populations déjà précaires. Au niveau des Etats, l’équation est aussi complexe : Du côté de la France, on veut « européaniser » la présence au Sahel avec la force Takuba, mais aussi renforcer l’implication des armées locales. La place de l’approche sécuritaire est grande mais les Etats qui font face à une perte croissante de légitimité se doivent d’être renforcés, d’où la nécessité dans l’intervention européenne de l’inclusion d’une approche de développement local.
La nécessité du renforcement de l’approche de développement chez l’Union Européenne
Les pays de la région appellent souvent à la nécessité de considérer la prospérité économique comme un pilier de la stabilisation de la région. Parmi les Européens, on appelle aussi à un effort économique "nous sommes convaincus que nous ne résoudrons pas le problème militairement", déclarait le ministre tchèque des Affaires étrangères Tomas Petricek. Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, lui avait demandé un « plan Marshall pour l’Afrique ». Alors, à l’heure où l’Europe s’engage au côté de la France, pourquoi n’est faite aucune mention à l’impératif de développement des Etats du Sahel ? Bien que la réunion de Nouakchott est un point d’étape pour parler des efforts de contre-terrorisme mené par la France et ces alliés du Sahel, il est regrettable de voir que le lexique demeure exclusivement sécuritaire là où un accent particulier doit être mis sur les causes profondes du terrorisme, qui sont enracinés non dans l’ethnie, la tribu où la religion mais plutôt dans la précarité, l’exclusion et l’absence de perspectives socio-économique positives.
La force Takuba (sabre en français) est comme son nom l’indique uniquement développée dans un but militaire, et on peine encore à voir quels efforts seront déployés pour renforcer la légitimité des Etats fragilisés non seulement par la menace terroriste mais aussi par la faiblesse de leurs économies et de leurs institutions. Par exemple, La transformation de l’agriculture et la création d’une classe moyenne agricole dans ces pays est un levier. Passer d’une agriculture de subsistance à une agriculture génératrice de revenus permettrait de réduire drastiquement les appétits de violence et d’exode d’une grande partie des populations sahéliennes. Deuxièmement, la mise en place de programme pour l’émergence de cette jeunesse sahélienne abondante est impératif tant dans les secteurs de l’économie mais aussi de la décision. Il faut permettre à cette partie de la population de s’impliquer dans les institutions nationales peu importe leur appartenance ethniques ou sociales.
A l’heure où Emmanuel Macron appelle à une plus grande implication des membres de l’Union Européenne dans la zone, il est nécessaire de pouvoir aborder ces questions fondamentales pour l’avenir de la région. Le nexus Sécurité/développement est une approche viable et à long terme pour bâtir un agenda pérenne pour les Etats du Sahel, aborder la question du terrorisme uniquement sous un angle tactique et militaire élude la place de l’exclusion, de la précarité sociale et de la faiblesse des institutions comme facteurs explicatifs de la montée de l’extrémisme dans la région.
Toutefois, cette implication des membres de l’UE au Sahel pourrait encore attendre, car la plupart d’entre eux voit se profiler d’intenses agendas de politique interne largement imprégnés par la gestion de la crise sanitaire et des conséquences économiques de cette dernière.