« Essor de l’Asie : leçons apprises »
Les « AD Talks », édition spéciale en ligne de la conférence Atlantic Dialogues, se sont poursuivis le 12 novembre avec une session sur les leçons tirées de l’essor de l’Asie. Le débat, modéré par l’économiste brésilien Marcus Freitas, Senior Fellow du Policy Center for the New South, a traité des trois grandes questions suivantes : Comment les pays occidentaux peuvent-ils apprendre de l’Asie pour rester compétitifs ? Quels sont les domaines dans lesquels des synergies peuvent advenir ? Comment les pays d’Asie ont-ils combattu la corruption et amélioré l’éducation ?
Neelam Deo (Inde), fondatrice et directrice de Gateway House, le Conseil indien sur les relations globales, est revenue sur la pandémie Covid-19 en Inde. « Heureusement, l’incidence n’est pas si sérieuse en termes de symptômes. Avec l’annonce de plus de 8 millions de cas de Covid-19, un certain scepticisme sur les statistiques peut se justifier, mais si les gens mouraient comme des mouches, nous l’aurions su , car le système est ouvert et démocratique.. En Chine, nous ne savons pas combien de personnes (y) ont été affectées ou sont mortes, mais nous savons comment la contagion a été contenue, en isolant Wuhan ».
John Sawers, président de Newbridge Advisory, ancien chef du MI6, les services secrets britanniques, a estimé qu’il y a eu une performance mitigée dans certains pays dans la gestion de la crise Covid-19. « Des pays démocratiques comme le Brésil, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France n’ont pas bien géré la situation, contrairement à d'autres comme l’Allemagne, le Japon, la Corée du Sud et l’Australie. Des pays autocratiques ont bien géré comme la Chine. On ne peut pas dire autant de la Russie ou de l’Iran. La Chine a bien géré le virus, avec un niveau de suppression des libertés individuelles qui n’aurait pas été possible dans des sociétés ouvertes. Des pays comme la Corée du Sud et l’Allemagne ont déployé des systèmes sophistiqués de dépistage et de traçage, avec des systèmes de soins de santé robustes. Les Etats-Unis, eux, se concentrent sur le traitement de la maladie, et non la politique globale de santé publique. (…) »
La situation a été abordée par Amre Moussa, ancien secrétaire général de la Ligue arabe et ancien ministre égyptien des Affaires étrangères: « Notre expérience en Egypte est qu’il n’y a pas eu de déni, le gouvernement a dit la vérité, ouvert des centres d’aide et a demandé aux médecins et personnels de santé de sensibiliser vite la population et de la dépister autant que possible ». le diplomate a aussi évoqué “la défaillance du multilatéral a failli aussi bien au niveau des agences spécialisées des Nations unies, qui n'étaient pa préparées à gérer une pandémie de cette taille, qu’au niveau du Conseil de sécurité, qui n’a pas répondu à l’appel du Secrétaire Général Antonio Guterres à déterminer comme menace à la paix internationale les défis du changement climatique et des pandémies. D’où, selon lui, la nécessité de rénover le système au niveau régional en créant par exemple des organisations de la santé africaine, asiatique, latino-américaine,aux cotes de l’Organisation mondiale de la santé ».
L’essor de la Chine et sa relation avec les Etats-Unis
Selon John Sawers, la Chine «va dans une direction qui n’incite pas à l'optimisme : elle fait taire son opposition interne, ainsi que les communautés musulmane et ouighour dans l’, Ouest de la Chine[YE4] . Elle revient sur ses engagements relatifs à Hong Kong souscrits en 1997 et devant durer 15 années (un pays, deux systèmes). Nous allons vers un monde avec deux superpuissances, les Etats-Unis et la Chine, sans que le siècle ne soit vraiment asiatique, en raison de la relative parité (dans la force) économique et militaire entre les deux pays. En outre, L’Asie n’est pas une entité homogène étant donné qu’elle regroupe des démocraties et des autocraties. L’Europe a ouvert les yeux sur la stratégie chinoise, qui cherche à contrôler d’importantes technologies industrielles et cherche à acquérir des affaires en Occident. Il y aura des domaines de confrontation, sur la sécurité et les droits de l’homme, (des domaines), de compétition sur les technologies et les affaires et de coopération, notamment sur le changement climatique ».
Dans la foulée, Amre Moussa s’est demandé si « le temps n’est pas venu, pour l’Europe, la Russie et les pays en développement, de penser à une nouvelle forme de non alignement par rapport aux Etats-Unis et à la Chine, pour contenir la course aux armements et s’assurer qu’il n’y aura pas de confrontation ouverte entre ces deux pays? »
Neelam Deo, pour sa part, a évoqué le caractère militaire de la réponse indienne aux visées expansionnistes de la Chine, en raison des récents incidents frontaliers . Selon elle, « la Chine a des appétits territoriaux. Elle ne parle plus de son passé impérial mais de son rêve d’avenir. Le débat en Inde ne porte plus sur les bénéfices mutuels de la relation économique, mais sur la menace que représente la Chine ». Enfin, Mayecor Sar (Sénégal), Senior Manager chez Deloitte, a souligné la nouvelle donne apportée par l’élection de Joe Biden, sans aller jusqu'à dire que « les rapports entre les Etats-Unis et la Chine connaîtront des changements fondamentaux ».