Après l’Angola, le Zimbabwe et l’Afrique du Sud, l’Ethiopie
Lorsqu’en novembre dernier j’avais intitulé mon blog sur Zuma et Mugabe « Mugabe tombe, Zuma vacille », j’avais tracé un parallèle entre la situation des deux hommes. Ils voulaient tous les deux confier le pouvoir à leurs compagnes au détriment de leurs vice-présidents. Aujourd’hui, la similitude continue de se confirmer : Zuma vacillant après la chute de Mugabe, finit par démissionner lui aussi et donc tomber. Les deux anciens vice-présidents sont aujourd’hui des présidents en exercice momentanément, en attendant les prochaines élections. Les cas sud-africain et zimbabwéen peuvent quasiment se calquer l’un sur l’autre. C’est d’ailleurs en apprenant sur le cas du Zimbabwe que j’ai pu dessiner de manière quasi juste la suite des évènements en Afrique du sud dans mon Policy Brief intitulé « Ramaphosa à la tête de l’ANC, une cohabitation qui ne dit pas son nom ». Si les chutes des deux hommes se ressemblent, elles ne constituent pas le seul modèle de fin de règne dans ce qui semble être les prémisses d’un « printemps africain », même si les évènements se passent plutôt en plein hiver.
En effet d’autres hommes politiques en Afrique se sont également résignés à quitter les arcanes du pouvoir, pour différentes raisons :
- Soit ils ont été poussés par le réveil d’une population dont le sommeil cauchemardesque n’avait que trop duré : c’est le cas du premier ministre éthiopien qui a présenté sa démission le 15 Février 2018, déclarant que sa démission était «inévitable pour permettre de mener des réformes qui établiront une paix durable et la démocratie»
- Soit ils ont enfin compris que leur longévité au pouvoir ne pouvait se transformer en éternité : le cas s’applique bien à l’ancien président angolais Dos Santos qui dès septembre 2017, avait cédé le pouvoir après 38 ans de règne.
Quatre têtes sont ainsi tombées en cinq mois : Dos Santos, Mugabe, Zuma et Hailemariam. Soit autant que le printemps arabe, avec Ben Ali, Moubarak, Kadhafi et Abdallah Salah. Qu’ont en commun ces leaders africains qui viennent de tomber? Mugabe, Zuma et Dos Santos partent, mais leurs formations politiques respectives perdurent. Elles promettent pourtant toutes de procéder à des réformes. Il n’est pas certain que ces formations doivent muter pour survivre. Quid De Hailemariam et du Front Démocratique Révolutionnaire des Peuples Ethiopiens (EPRDF), qui est la coalition au pouvoir, composée de quatre partis ? La coalition subsistera-t-elle à la tornade ? Saura-t-elle muter pour survivre ? Rien n’est moins sûr tant la situation Ethiopienne est plus complexe que les autres et marquée par une double dynamique. La première s’exprime par des protestations de la rue contre les gouvernants, c’est-à-dire contre l’EPRDF pris dans son entièreté comme un ensemble cohérent et solidaire.
La seconde prend la forme d’une lutte à l’intérieur de la coalition entre d’un côté, l’Organisation Démocratique des peuples Oromo (ODPO), et le Mouvement démocratique national Amhara (ANDM), lassés de la domination tigréenne, et de l’autre le Front de Libération du Peuple du Tigray (le TPLF). Il reste à savoir si le mouvement de protestation populaire initié depuis 2015 est provoqué par les deux partis (OPDO et ANDM), ou s’il est spontané et que les deux formations ne font que l’instrumentaliser pour rééquilibrer, voire renverser, le rapport de force au sein de la coalition. Ce qui semble sûr c’est que les leaders amhara et oromo intensifient la pression pour occuper plus d’espace au sein de l’EPRDF. Les vents leurs sont favorables aussi bien dans la dimension interne avec les protestations populaires, que dans la dimension régionale avec les mutations qui s’opèrent dans un grand nombre de partis dominant en Afrique (l’union Nationale Africaine du Zimbabwe-Front Patriotique, le Congrès National Africain ou le Mouvement Populaire de Libération de l’Angola). La démission du premier ministre pourrait donc s’inscrire dans ce cadre.
Dans tous les cas les arcanes des pouvoirs africains voient s’entamer un mouvement qui rappelle aux inconditionnels du pouvoir long et sans alternance (qu’ils soient des personnalités ou des structures politiques) que le moment est au changement sous peine de disparition. Les nouvelles générations veulent mener la lutte pour prendre en main leur destinées, les anciennes qui ont lutté pour les indépendances doivent passer la main.