Des émergents au défi du « retour de la géopolitique » - Regards croisés économiques et géopolitiques
En 2014, les résultats décevants attendus pour la croissance mondiale ont mis en lumière les fortes disparités qui existent désormais entre les grands pays émergents avec, plus inquiétant pour le long terme, un ajustement quasi généralisé à la baisse de leur potentiel de croissance. Au sein des BRICS, seule la Chine maintient un niveau de croissance élevé, qui pourrait durablement s’installer autour de 7 %. Avec une croissance au-delà de 5 % pour 2014, l’Inde devrait connaître un regain d’activité, mais de lourds défis structurels persistent. Pour la première fois depuis le début des années 2000, la Russie, le Brésil et l’Afrique du Sud devraient connaître en 2014 une croissance inférieure à celle des pays du G7. Cette hétérogénéité est masquée par une volonté politique des BRICS de se doter d’institutions financières indépendantes du FMI et de la Banque mondiale (Durban, mars 2013 – Fortaleza, juillet 2014). Parallèlement, dans l’analyse de la croissance mondiale, apparaît désormais le concept des « Cinq Fragiles » (Turquie, Brésil, Inde, Afrique du Sud et Indonésie) pour identifier certains BRICS et d’autres grandes économies émergentes dynamiques exposées à de possibles retournements de flux de capitaux (sudden stops). À côté de leurs difficultés structurelles, ces pays connaissent d’importants déséquilibres budgétaires et des taux d’inflation élevés. En parallèle, on observe des évolutions différenciées de plusieurs autres pays émergents qui continuent à faire preuve de résilience et de dynamisme, dans des environnements parfois difficiles, notamment en Afrique – principalement les pays à bas revenu – et en Asie.
En 2014, des tensions internationales sous-jacentes se sont révélées conduisant à parler d’un « retour de la géopolitique » (Walter Russel Mead, « The Return of Geopolitics », Foreign Affairs, mai-juin 2014), c’est-à-dire au retour à des politiques de puissance classique visant à contester, directement ou indirectement, l’ordre établi. L’intensité et la portée des crises et des conflits se font ressentir différemment selon les régions. Il n’en demeure pas moins qu’ils créent une impression de « fin de la mondialisation ». Chine, Russie et Turquie, ces trois pays clés sont directement, mais très différemment, concernés par ce « retour de la géopolitique ». La crise territoriale entre la Chine et le Japon, deuxième et troisième économies mondiales, s’accentue ; elle recèle un potentiel de déstabilisation globale. Le conflit en Ukraine a profondément modifié le rapport au monde d’une Russie, désormais soumise à des sanctions de la part des États-Unis, de l’Union européenne et du Japon ; il recèle un potentiel de déstabilisation régionale. Signe de la rupture, la Russie ne participe plus au G8. La guerre en Irak et en Syrie avec l’apparition de l’État islamique irradie non seulement au Moyen-Orient, mais aussi en Afrique du Nord, dans la bande sahélienne et en Europe. Avec la problématique du Kurdistan et des réfugiés, elle touche directement la Turquie, pays membre de l’OTAN. Cette guerre est devenue l’épicentre des tensions internationales.
L’objectif de cette conférence est d’examiner la nature du lien entre les défis de l’émergence et ce « retour de la géopolitique » en s’interrogeant sur son caractère attendu ou inattendu. Il s’agit ici de croiser les regards du point de vue non seulement des grands pays émergents mais aussi d’autres pays de cette catégorie, de plus petite taille, n’ayant par définition pas les mêmes objectifs. Pour éviter les erreurs d’analyses sur les transformations en cours, ces deux notions doivent être mises en perspective séparément, puis confrontées. Pour ce faire, il est proposé de travailler à un double niveau : une réflexion sur l’articulation émergence/comportement géopolitique et des focus sur des pays spécifiques, notamment la Chine, la Russie, la Turquie et le Maroc. L’intérêt méthodologique réside dans le croisement entre les approches économique et macro-politique qui permettra de mieux discerner la nature des tendances, et tenter d’identifier les ruptures.
Programme de conférence
09:00 - 09:30
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Ouverture Karim EL AYNAOUI, Directeur Général, OCP Policy Center Thomas GOMART, Directeur du Développement Stratégique, Ifri |
09:30 - 11:00
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CHINE: Une puissance qui peine à s'assumer Président Thomas GOMART, Directeur du développement stratégique, Ifri Intervenants Françoise NICOLAS, Directeur du Centre Asie, Ifri Uri DADUSH, Associé Principal, Carnegie Endowment for International Peace, Visiting Fellow OCP Policy Center |
11:00 - 11:15 |
Pause café |
11:15 - 12:45
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RUSSIE: Volonté de puissance malgré les fragilités économiques Président Abdelmalek ALAOUI, CEO de Global Intelligence Partners Intervenants Tatiana KASTOUEVA-JEAN, Responsable du Programme Russie/NEI, Ifri Olivier DE BOYSSON, Chef économiste, responsable de la recherche pays émergents, direction des risques sur pays, Société Générale |
13:45 - 15:15
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TURQUIE: La quête du classement Président Abdallah SAAF, Politologue, ancien ministre de l'Education nationale Intervenants Dorothée SCHMID, Responsable du Programme Turquie, Ifri Tania SOLLOGOUB, Economiste sénior, Crédit Agricole |
15:15 - 15:30 |
Pause café |
15:30 - 17:00
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MAROC: Spécificite, résilience et défi de l'émergence Président Nizar MESSARI, Professeur, Doyen de la Faculté des Sciences Sociales et Humaines, Université Al Akhawayn Intervenants Rachid EL HOUDAIGUI, Professeur, Directeur de la Revue Paix et Sécurité Internationales, et Senior Fellow OCP Policy Center Karim EL AYNAOUI, Directeur Général, OCP Policy Center |
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